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Léger et éphémère Liège Opéra royal de Wallonie 12/19/2025 - et 20, 27, 28*, 30, 31 décembre 2025 Johann Strauss II : Die Fledermaus Markus Werba (Gabriel von Eisenstein), Anne‑Catherine Gillet (Rosalinde), Enkeleda Kamani (Adele), Christina Bock (Prince Orlofsky), Filip Filipovic (Alfred), Pierre Doyen (Dr. Falke), Samuel Namotte (Frank), Maxime Melnik (Dr. Blind), Créatine Price (Ivan, Frosch), Marion Bauwens (Ida)
Chœur de l’Opéra royal de Wallonie, Denis Segond (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Nikolas Nägele (direction musicale)
Olivier Lepelletier-Leeds (mise en scène), Hernán Penuela (décors), David Belugou (costumes), Carmine De Amicis (chorégraphie), Patrick Méeüs (lumières)
 (© Jonathan Berger/Opéra royal de Wallonie-Liège)
Pour terminer l’année, l’Opéra royal de Wallonie monte La Chauve‑Souris (1874). Ce choix à cette période peut sembler banal, mais cette opérette n’y avait plus été représentée depuis trente‑et‑un ans, en tout cas en allemand, car la version française figurait à l’affiche en décembre 2008. Et ce théâtre liégeois sait s’amuser et divertir son public en proposant de temps en temps un spectacle léger, alors que certaines personnes sortiront réveillonner le 31 après avoir assisté une déprimante Norma à la Monnaie. De strasses et de paillettes, il en est donc question dans cette mise en scène festive et sans grandes prétentions. Et comme Olivier Lepelletier‑Leeds a même travaillé, selon le programme, au Moulin‑Rouge, et de danses enfiévrées et polissonnes il est aussi question, sans nudité toutefois. Le metteur en scène transpose l’action à Los Angeles, dans les années 1980, ce qui se reflète dans les décors et le choix des couleurs, un peu moins dans les tenues, avec une seconde partie qui se tient pour l’essentiel dans une salle de music‑hall, à Sunset Boulevard croit‑il bon de préciser. Le premier acte, plutôt ennuyeux, voire poussif, dans cette production, montre une de ces villas de luxe en surplomb, montrées si souvent au cinéma et dans les séries. Les autres actes s’animent davantage et offrent plus à admirer.
Mais la dimension visuelle et chorégraphique de cette mise en scène a tendance, justement, à prendre le dessus sur la psychologie et la motivation des personnages qui se détachent trop peu pour s’y intéresser, sauf exception. Il manque ce charme, ce chic, cette élégance, cette subtile et légère impression de nostalgie et d’amertume sous‑jacentes que nous attendons dans cet ouvrage si délicat à mettre en scène de façon convaincante. Mais Olivier Lepelletier‑Leeds respecte les repères et les marqueurs de l’œuvre et il atteint l’objectif qu’il s’était fixé : divertir, à défaut d’enchanter ou d’étonner, en ce qui nous concerne, avec un spectacle, pour reprendre ses termes, léger et éphémère.
Et en plus, nous restons sur notre faim avec la distribution. Elle ne laisse pas de trace, comme la mise en scène, malgré une direction d’acteur de qualité, bien que parfois un peu complaisante, en particulier dans les dialogues. Certains chanteurs se détachent mieux sur le plan vocal et du jeu d’acteur, mais avec le recul, une sensation de trop peu domine. Ni ternes ni inabouties, sans réelles faiblesses non plus, les prestations peinent à s’approcher au plus près de la quintessence de cette musique raffinée, sans cette expressivité, ces inflexions cette vibration propres à elle. C’est ainsi que ces messieurs se démarquent dans une moindre mesure que les dames, malgré les mérites de Markus Werba et de Filip Filipovic, et parmi elles, la Rosalinde d’Anne‑Catherine Gillet attire plus l’attention, par le timbre, la finesse, le charme que les autres interprètes féminines. Enkeleda Kamani nous avait davantage séduit en Susanna en juin dernier qu’en Adèle ce mois‑ci. Et comment passer sous silence cette drag queen incarnée par Créatine Price, en charge des rôles d’Ivan et Frosch ? Les choristes parviennent, quant à eux, à convaincre par leur verve et leur précision.
L’orchestre, sans être transcendant, se montre au point dans cette partition, avec ce qu’il faut de fermeté et d’effervescence, d’impulsion et d’élégance. Sous la probe direction de Nikolas Nägele, il se rattrape, après une Ouverture trop terne et rigide, en faisant preuve de plus de brillant, d’éclat et de souplesse, sans parvenir à conférer à cette Chauve‑Souris un caractère authentiquement viennois.
Sébastien Foucart
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