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Paroles de prisonniers Antwerp Opera Vlaanderen 12/10/2025 - et 12, 13, 14*, 16 décembre 2025 Osama Abdulrasol : Barzakh Marjan De Schutter, Edith Saldanha, Jeroen Van der Ven, Atta Nasser (acteurs), Katharina Dain, Natta Thammathi, Lotte Verstaen, Maurel Endong (chant)
Thomas Bellinck (concept, texte, mise en scène), Zaza Dupont, Bart Van Merode (scénographie, lumières), Rida Habib Allah (costumes), Léno Iloo (vidéo)
Symphonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen, Zoe Zeniodi (direction musicale)
 (© Opera Ballet Vlaanderen/Laura Van Severen)
Créée en novembre 2024 à Gand, reprise en cette fin d’année à Anvers, cette production relaie la parole de détenus. Thomas Bellinck a imaginé un spectacle écrit par des personnes incarcérées dans plusieurs prisons belges, Anvers, Beveren, Bruges, Gand, Hoogstraten, Lantin et Turnhout. Il n’est pas question d’exprimer un sentiment d’injustice ou de se déresponsabiliser, comme cet ancien président français récemment emprisonné, mais de témoigner des conditions de détention, de formuler ses craintes, ses espoirs, sans chercher ni à excuser, ni à susciter la compassion. Le propos invite à réfléchir sur le sens d’une détention, de remettre aussi en question le système carcéral, sur les perspectives pour les personnes détenues de l’éventuelle remise en liberté et de la réinsertion. Exprimé et sous‑titré dans plusieurs langues, anglais, français, néerlandais, le texte se révèle digne, interpellant, teinté parfois d’amertume et d’ironie.
Huit personnes sur la scène lui rendent justice, quatre chanteurs et quatre acteurs, en alternant les langues, sans susciter de lassitude, et en variant l’expressivité, grave ou plus légère, dans un spectacle ramené une heure et demie, une durée suffisante, car centrée sur l’essentiel. La prestation des acteurs attire l’attention, et tous les quatre se distinguent, chacun avec son style propre, Marjan De Schutter et Atta Nasser séduisant par leur verve et leur accent, toujours à‑propos. Quant aux remarquables chanteurs, c’est surtout Lotte Verstaen qui se démarque, par la beauté du timbre et la force de conviction. Une impression de justesse, de tenue, se dégage de ce spectacle vivant. La mise en scène demeure toutefois dans l’ensemble plutôt sobre, malgré des lumières assez recherchées et l’animation graphique, aucunement envahissante, de Léno Iloo. Elle évite de sombrer dans le pessimisme, le sordide, le misérabilisme, mais elle aurait été plus puissante si d’anciens détenus étaient présents sur la scène.
Mais de quel genre relève Barzakh ? Moins de l’opéra que du théâtre musical, en tout cas, compte tenu de l’importance du texte non chanté, et si des choristes y contribuaient, cet ouvrage se serait présenté comme un oratorio. Le volet musical laisse, de toute façon, sceptique, et sa valeur intrinsèque parait trop relative pour laisser une trace. La musique d’Osama Abdulrasol demeure accessible, tonale, d’une esthétique changeante, laquelle relève plutôt de la comédie musicale américaine, bien qu’incomplètement. Elle fait par moments entendre des passages de nature proche‑orientale, ou arabe, en lien, d’ailleurs, avec le titre de l’ouvrage. Zoe Zeniodi la défend avec grand soin, à la tête d’un orchestre de haute tenue, celui de l’Opéra des Flandres, une fois de plus excellent.
Voici donc un spectacle plus intéressant que bouleversant, ni banal ni radical, mais quelque peu bancal compte tenu du traitement musical, assez discutable. Le message passe plutôt bien, en douceur, non sans humour, en tout cas pour ceux qui acceptent de l’entendre, sur le système carcéral belge, dont les problèmes de surpopulation et de réinsertion sont bien connus.
Sébastien Foucart
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