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Plaisirs de la découverte Vienna Konzerthaus 12/12/2025 - et 13 (Wien), 14 (Köln) décembre 2025 Franz Schubert : Symphonies n° 5, D. 485, et n° 6, D. 589
Richard Strauss : Concerto pour violon, opus 8 Alena Baeva (violon)
Die Deutsche Kammerphilharmonie Bremen, Paavo Järvi (direction)
 P. Järvi, A.Baeva (© Carlos Suarez)
Nous avions entendu Alena Baeva il y a quelques mois, dans les circonstances peu confortables d’un remplacement de toute dernière minute. Nous la retrouvons ici dans des conditions idéales, défendant avec conviction le Concerto pour violon de Richard Strauss, une œuvre rarement jouée (on compte deux exécutions au Konzerthaus en un siècle) qu’elle défend avec ténacité depuis plusieurs années. Ecrite par un Strauss encore étudiant, âgé de 17 ans, la partition révèle une maîtrise certaine : on devine déjà la patte du futur maître orchestrateur dans les tutti, tandis que l’écriture soliste se distingue par son habileté instrumentale. La musicalité sans afféterie de la violoniste luxembourgeoise lui permet d’intégrer les ornementations avec naturel, sans alourdir les textures. Les tempi vont résolument de l’avant, portés par une virtuosité pleine de panache, servis par un vibrato serré et quelques glissandi discrets qui y apportent une patine violonistique. L’accompagnement de la Philharmonie de chambre allemande de Brême, d’une transparence et d’un équilibre exemplaires, hisse ces pages concertantes à un niveau comparable à celles de Bruch ou de Vieuxtemps.
Alors que paraît le premier volume de leur intégrale Schubert, Paavo Järvi et son orchestre de Brême présentent ici les deux dernières symphonies de jeunesse du compositeur. L’agilité de l’ensemble, les dynamiques incisives et les étagements millimétrés continuent de faire mouche, comme chroniqué lors de leurs précédents passages (voir ici et ici). Si l’élégance classique de la Cinquième Symphonie laisse affleurer des épisodes de tension dramatique nourris de frémissements fantomatiques et de relances fiévreuses, la Sixième Symphonie, souvent qualifiée de « Petite », regarde déjà résolument, sous la baguette de Järvi, vers sa grande sœur en ut majeur. Fidèle à l’inspiration opératique de l’œuvre, l’orchestre attaque l’introduction lente avant même l’extinction des applaudissements, et souligne avec beaucoup d’à‑propos les juxtapositions de touches italianisantes et de danses viennoises. Le tempo très allant de l’Andante surprend d’abord, semblant pousser la musique dans ses retranchements, mais ce choix se justifie progressivement en permettant une succession de métamorphoses et de surprises théâtrales. Les vents, goguenards, tour à tour oiseaux des bois ou instruments de fanfare, rivalisent d’inventivité tout le long de la lecture. Paavo Järvi fait vivre cette musique avec intelligence et malice, s’amusant à démonter la mécanique schubertienne, y glissant un humour pince‑sans‑rire qui ne vire jamais à l’exercice de démonstration, et nous conduit au plus près de ce qui pourrait être une lecture idéale.
Dimitri Finker
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