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Des musiciens intègres Bruxelles Bozar, Salle Henry Le Bœuf 11/23/2025 - George Walker : Sinfonia n° 4 « Strands »
Serge Rachmaninov : Rhapsodie sur un thème de Paganini, opus 43
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 4, opus 36 Joyce Yang (piano)
Belgian National Orchestra, Roderick Cox (direction)
 R. Cox (© Susie Knoll)
Une curiosité d’abord : ce concert débute avec une œuvre du compositeur afro-américain George Walker (1922‑2018). La Quatrième Symphonie « The Strands » (1996) pour grand orchestre ne dure qu’une bonne dizaine de minutes, soit l’équivalent d’une ouverture de Wagner ou de Beethoven. Voilà qui est peu, mais cette composition impressionne par sa densité et son expressivité, malgré l’absence de thèmes mémorables. La présence de spirituals ne se remarque pas vraiment, le programme établissant d’ailleurs un rapprochement avec Charles Ives, qui ne citait pas littéralement les hymnes dans sa musique, mais les transformait. Le chef, Roderick Cox, prend d’ailleurs la parole pour introduire, en anglais, ce compositeur et cette œuvre, en citant justement l’auteur de La Question sans réponse. Une découverte intéressante, bien défendue par l’Orchestre national de Belgique.
Suit la Rhapsodie sur un thème de Paganini (1934) de Rachmaninov. Joyce Yang en livre une interprétation intègre et sincère, dans l’esprit de l’œuvre, entraînante, ludique et même profonde, par moments, sans virtuosité ostentatoire. D’origine coréenne et formée aux Etats‑Unis, cette pianiste développe un jeu soigneusement articulé, parfois un peu trop anguleux, en tout cas assez fin, jamais abrupte, non sans quelques préciosités, toutefois, du moins au tout début. Cette exécution coule de source, avec un sentiment de cohérence, sans précipitation, ni lenteur. La soliste peut compter sur un orchestre remarquable, les bois attirant plus d’une fois l’attention, et sur un chef charismatique, davantage soucieux de collaborer que de seulement accompagner. Roderick Cox invite la pianiste à jouer un bis qu’il écoute un peu en retrait sur la scène, alors que d’autres chefs restent dans les coulisses. Et il ne s’agit pas d’une pièce de Rachmaninov, comme plus d’un sans doute s’y attendaient, mais d’un arrangement par Earl Wild d’une mélodie de Gershwin, The Man I Love.
La seconde moitié du concert ne déçoit pas non plus avec une Quatrième Symphonie (1878) de Tchaïkovski pleinement convaincante, dans la forme comme sur le fond, avec une mention particulière pour le premier mouvement, à la progression ferme et cohérente sous la direction du chef américain. Les montées en puissance ne manquent pas d’impressionner, et il faut reconnaître que la formation nationale possède d’excellents cuivres, les cors en particulier. Quelques passages paraissent brièvement moins nets, les lignes mélodiques ne se détachant pas toujours assez, mais l’interprétation conserve l’essentiel et offre plus d’un moment fort. Le chef imprime une allure et une impulsion justes, et il canalise juste ce qu’il faut l’énergie d’un orchestre discipliné. Il obtient en outre des phrasés, notamment des cordes, intenses et soignés, et un jeu, tous pupitres confondus, tantôt puissants et expressifs, tantôt retenus et subtils. Le troisième mouvement paraît ainsi idéalement ciselé et léger. L’émotion et le tragique affleurent ainsi dans cette prestation chaleureusement applaudie. Roderick Cox nous avait laissé une impression mitigée cet été à Montpellier. Etions‑nous trop sévère ou d’humeur maussade ? Voilà en tout cas un chef dont il faut suivre le parcours.
Le site de Roderick Cox
Le site de Joyce Yang
Sébastien Foucart
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