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Des Noces de belle eau

Paris
Palais Garnier
11/15/2025 -  et 18, 21, 24*, 27, 30 novembre, 4, 9, 12, 16, 19, 22, 25, 27 décembre 2025
Wolfgang Amadeus Mozart : Le nozze di Figaro, K. 492
Christian Gerhaher*/Jérôme Boutillier (Il Conte di Almaviva), Hanna-Elisabeth Müller*/Margarita Polonskaya (La Contessa di Almaviva), Gordon Bintner*/Vartan Gabrielian (Figaro), Sabine Devieilhe*/Ilanah Lobel‑Torres (Susanna), Lea Desandre*/Seray Pinar (Cherubino), James Creswell (Bartolo), Monica Bacelli (Marcellina), Ilanah Lobel‑Torres*/Boglárka Brindás (Barbarina), Leonardo Cortellazzi*/Eric Huchet (Don Basilio), Nicholas Jones (Don Curzio), Franck Leguérinel (Antonio)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Antonello Manacorda (direction musicale)
Netia Jones (mise en scène, décors, costumes, vidéo), Lucy Carter (lumières), Sophie Laplane (chorégraphie), Solène Souriau (dramaturgie)


C. Gerhaher (© Franck Ferville/Opéra national de Paris)


On n’y retournait pas pour la production de Netia Jones. On avait tort : elle s’est bonifiée, avec une direction d’acteurs plus affûtée. Certes elle nous refait le coup de la mise en abyme, le spectacle devenant métaphore de toute représentation d’opéra, concept aujourd’hui rebattu. La fin souvient trop du Capriccio de Robert Carsen – même si le Foyer de la danse rappelle plutôt ici le triste sort des petits rats livrés à la débauche du bourgeois. On se promène entre loges et vestiaires, Figaro est le perruquier de la troupe, Suzanne l’habilleuse. Netia Jones met aussi l’œuvre au goût du jour, avec cette protestation du chœur contre les violences faites aux femmes et un Comte primo uomo et directeur de troupe très porté sur les ballerines, à commencer par Barberine, qu’il viole sans doute à la fin – on comprend pourquoi elle chante « L’ho perduta ». Il est d’ailleurs viré et remplacé, tandis que la Comtesse prima donna part de son côté : Netia Jones prend le contrepied du lieto fine mozartien et le passage du pardon, quasi religieux, sonne faux, alors que tout le mystère nocturne de l’acte IV a disparu. Pour appuyer le trait, s’est affiché au début de l’acte le texte d’une scène du Mariage de Figaro de Beaumarchais, où Marcelline se plaint de ce que subissent ses semblables. Bref, la production sent toujours le cliché. Mais elle s’avère mieux rythmée, les personnages mieux brossés et Netia Jones, somme toute, respecte l’esprit de l’œuvre, si bien qu’on infléchit volontiers son jugement. Il est vrai que voir ces Noces après La Walkyrie suscite un certain soulagement...


Sans éblouir, distribution se situe à bonne hauteur. Passons sur la Comtesse appliquée, sans aura, d’une Hanna‑Elisabeth Müller en petite forme, registres peu homogènes et aigus trop bas dans « Dove sono ». Comme Suzanne est un rôle assez central, Sabine Devieilhe manque de corps à partir du bas médium, mais la beauté délicate du phrasé, l’exquise musicalité le font oublier, surtout quand vient un Air des marronniers divinement suspendu. Et elle va au‑delà de la soubrette piquante pour révéler les clairs obscurs du personnage, bien appariée au Figaro de Gordon Bintner, moins insolemment révolté que d’autres, parfois presque mélancolique. Egaré en Golaud, le baryton canadien donne ici la mesure de sa voix mordante, homogène du grave à l’aigu, parfaitement conduite. En trois ans, Lea Desandre a corsé, mûri et affiné son Chérubin en survêt. Mais les domine tous le Comte de Christian Gerhaher, patricien ravageur et ravagé, prédateur à la fois impérieux et faible, qui fait claquer les mots sans mettre à mal une ligne qu’il adapte pourtant à la violence de ses pulsions – en particulier dans son air. Le Bartolo de James Creswall reprend du service, pas moins percutant, flanqué de la Marcelline de Monica Bacelli, un Chérubin d’hier, et du Basile pervers de Leonardo Cortellazi. A entendre la Barberine d’Ilanah Lobel‑Torres, une jeune de la Troupe lyrique, on ne s’étonne pas qu’elle soit Suzanne lors des deux dernières représentations. Antonello Manacorda est comme toujours subtilement coloré, il préserve la légèreté du buffa et avance sûrement ; on aimerait néanmoins parfois plus d’arêtes et d’urgence pour une « folle journée ». Les récitatifs pourraient aussi montrer plus de nerf. Mais l’ensemble, encore une fois, reste de belle eau.



Didier van Moere

 

 

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