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Un petit bijou de concert

Paris
Musée du Louvre (Auditorium Michel Laclotte)
10/30/2025 -  
Joseph Haydn : Symphonie n° 85 en si bémol majeur « La Reine », Hob. I:85
François-Adrien Boieldieu : Concerto pour harpe en do majeur, opus 82
André-Ernest-Modeste Grétry : Le Jugement de Midas : Ouverture
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n° 40 en sol mineur, K. 550

Sylvain Blassel (harpe)
Les Musiciens du Louvre, Marc Minkowski (direction)


S. Blassel, M. Minkowski (© Sébastien Gauthier)


Dans le cadre de la grande exposition qu’il consacre à Jacques-Louis David, le Musée du Louvre propose une série de trois concerts intitulée « Une Révolution en musique !  », agrémentée le 5 décembre prochain d’une conférence donnée par Maryvonne de Saint‑Pulgent, « La musique au temps de David : chanter la Patrie et l’Empereur ».


L’idée est des plus heureuses même si David n’a pas beaucoup représenté la musique sur ses tableaux, contrairement à ses devanciers français (pensons à Watteau !), flamands (les scènes de genre dans les auberges furent de beaux prétextes pour peindre un violoniste, un joueur de vielle ou un flûtiste) ou italiens bien sûr (des scènes religieuses à certaines allégories peintes par exemple par Le Caravage). Certes, dans son tableau Léonidas aux Thermopyles (1814), David a représenté deux joueurs de trompette, sur la droite, symbole de gloire s’il en est ; de même, dans Les Amours de Pâris et Hélène (1788), le héros masculin tient une lyre dont la symbolique était là aussi très importante, à une époque où l’on glorifiait l’Antiquité grecque dans une optique néoclassique. A ce titre, on pourra se référer au très bel et très instructif article (en ligne) de Sarah Hassid intitulé « Le peintre à la lyre : transpositions picturales de la musique grecque antique en France à l’aube du XIXe siècle » (article qui figure par ailleurs dans le livre De Villoteau à Saint‑Saëns, une archéologie de la musique antique au XIXe siècle aux éditions de l’Institut français d’archéologie orientale, paru en 2024). Mais, hormis cela et la présence dans ses papiers de quelques dessins de lyre, force est de constater que l’auteur du Sacre ou de Marat assassiné a plutôt ignoré l’univers musical.


Peu importe puisque cette exposition aura servi de bon prétexte pour que Les Musiciens du Louvre jouent pour la première fois dans le musée dont ils portent le nom, offrant au public de l’auditorium Michel Laclotte, venu très nombreux, un programme parfaitement mitonné par Marc Minkowski. Ce dernier, toujours truculent et cabotin, aura, tout au long de la soirée, pris la parole pour présenter les œuvres, indiquant même au public les divers épisodes qu’est censée narrer l’Ouverture du Jugement de Midas de Grétry (1741‑1814). Mais, avant cela, Marc Minkowski et son petit orchestre (treize cordes auxquelles on doit ajouter un traverso, deux hautbois, deux bassons et deux cors) nous donnèrent la Symphonie n° 85 de Haydn, surnommée « La Reine » puisqu’elle aurait particulièrement plu à Marie‑Antoinette. « Synthèse magistrale d’élégance et de vigueur, de savant et de populaire » pour reprendre les mots de Marc Vignal (Haydn, Fayard, p. 1195), la quatrième des Symphonies parisiennes bénéficie d’une interprétation tout en contrastes, le deuxième mouvement se caractérisant par un magnifique jeu sur les nuances (des pianissimi quasi imperceptibles) avant que Marc Minkowski ne fasse ressortir avec beaucoup d’adresse le côté à la fois paysan et élégant du Menuetto ; le chef lance enfin le Finale. Presto à vive allure, sous la houlette notamment d’un basson des plus truculents ; dommage que les cinq premiers violons aient souvent manqué de justesse, trahissant des sonorités parfois acides au sein d’une verve néanmoins communicative.


Puis vint donc cette ouverture de Grétry où le hautbois canetant de David Lanthier et la flûte aérienne d’Annie Laflamme firent merveille, annonçant l’orage matérialisé par quelques percussions tenues pour l’occasion par Sylvain Blassel. Sylvain Blassel justement, que l’on vit ensuite arriver sur scène pour nous interpréter le Concerto pour harpe de Boieldieu (1775‑1834), magnifique page concertante composée en 1795, qui fut popularisée en son temps par Lily Laskine (disque Erato). L’Allegro brillante, au milieu duquel le soliste aura eu ce soir un bref trou de mémoire, témoigne de la technique à toute épreuve du harpiste, ce dernier sachant également jouer sur un superbe éventail de nuances très chantantes, évoquant là presque un personnage d’opéra. Après un Andante lento assez sombre et très recueilli, Sylvain Blassel nous entraîna dans le Rondeau, le mouvement le plus connu : ce fut un véritable moment de grâce. Sans doute quelques notes furent accrochées et la mise en place entre la harpe et l’orchestre aurait pu être meilleure, mais la démonstration technique fut époustouflante, la connivence entre le soliste et le chef a fait merveille, Les Musiciens du Louvre ayant soutenu l’ensemble avec un entrain évident et une formidable richesse dans les sonorités. En fin de compte, une splendide réussite qu’on aurait tant aimé voir bissée !


Compte tenu de la thématique du concert et de l’esprit de découverte du chef, on pouvait sans doute souhaiter un autre morceau que la célébrissime Quarantième Symphonie de Mozart (ce soir jouée dans sa version originelle de 1788, sans les deux clarinettes ajoutées seulement en 1791) ; mais ne boudons pas notre plaisir ! Bien que fort réduit, l’orchestre des Musiciens du Louvre nous surprit par l’ampleur sonore du premier mouvement, joué avec une énergie folle et enrichie par de magnifiques timbres instrumentaux. L’Andante bénéficia d’une conduite très retenue de la part de Marc Minkowski qui veilla, avec une belle réussite, au parfait équilibre entre bois et cordes ; le Menuetto et l’Allegro assai final bénéficièrent pour leur part de la culture « baroqueuse » du chef et des musiciens où tout ne fut qu’accentuations et contrastes, Patrick Langot et Elisa Joglar faisant vrombir leurs violoncelles comme s’ils étaient dix.


Pour satisfaire l’enthousiasme du public qui avait empli ce soir presque totalement les 450 places de l’auditorium Michel Laclotte, Marc Minkowski et Les Musiciens du Louvre offrirent pas moins de trois bis : une « Danse des ombres » absolument surnaturelle (tirée d’Orphée et Eurydice de Gluck), où brilla une magistrale Annie Laflamme à la flûte solo, l’Allegro concluant la Quatrième Symphonie de Méhul, où l’orchestre se livra avec adresse à une frénétique course poursuite, et, enfin, l’entrée de Polymnie tirée des Boréades de Rameau, concluant en beauté un concert ô combien vivifiant.


Pour qui souhaiterait poursuivre le cycle de concerts lié à l’exposition David, signalons donc la Symphonie « Héroïque » de Beethoven, donnée par l’Orchestre Ostinato (qui sera dirigé pour l’occasion par Julien Leroy le 28 novembre), sera précédée par la Symphonie concertante en sol majeur mêlée d’airs patriotiques pour deux violons et orchestre sur des airs patriotiques de Jean‑Baptiste Davaux et, le 5 décembre, le concert qui permettra d’entendre Les Talens Lyriques, sous la baguette de Christophe Rousset, pour un programme des plus prometteurs (Gluck, Gossec, Devienne et Méhul).


Le site de Marc Minkowski
Le site de Sylvain Blassel
Le site des Musiciens du Louvre
La liste des concerts proposés au musée du Louvre pour la saison 2025‑2026



Sébastien Gauthier

 

 

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