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The unanswered questions

Strasbourg
Opéra
09/29/2002 -  et 21, 23, 25, 27 septembre, 3 et 6 octobre 2002
Philip Glass : Akhnaten
David Walker (Akhenaton), Nora Sourouzian (Nefertiti), Witalije Blinstrubyte (La reine Tye), David Okerlund (Horemheb), Tomas Tomasson (Aye), Kenneth Garrison (Le grand prêtre), Emmanuelle Schuler, Aline Gozlan, Isabelle Didiot, Karine Motyka, Gaël Cheramy, Nadia Bieber (Les six filles d’Akhenaton), Bernard Freyd (Le scribe, Le guide)
Chœurs de l’Opéra du Rhin, Michel Capperon (direction des chœurs), Orchestre philharmonique de Strasbourg, Dante Anzolini (direction)
Daniel Pelzig (mise en scène et chorégraphie, d’après Mary Zimerman), Scott Bradley (décors), Mara Blumenfeld (costumes), John Culbert (éclairages)

Donné à l’Opéra de Strasbourg pour sept représentations dans le cadre du Festival Musica et en coproduction avec le Boston lyric opera, Akhenaton (1982-1983), opéra en trois actes de Philip Glass, a le mérite de poser des questions, dont on peut penser qu’à l’instar de celle de son compatriote Charles Ives, elles restent essentiellement dépourvues de réponses.


Cette musique est-elle si simple qu’on veut parfois le dire ou même, peut-être, le faire croire ? Si elle fait ostensiblement fi du renouvellement de l’harmonie, voire de la mélodie et du rythme, faut-il la juger pour autant à l’aune de ces critères habituels ? Ne faut-il pas chercher ailleurs les motivations d’un compositeur qui est manifestement animé par une conception inhabituelle du temps ? A force d’être « hypertonale » par son refus de la modulation, cette musique est-elle encore « tonale » ? Ne possède-t-elle donc pas une radicalité qui, comme toute radicalité, possède ses fervents défenseurs et… ses détracteurs acharnés ? N’est-elle pas particulièrement en phase avec le mysticisme de son sujet et avec la représentation visuelle, d’ordre linéaire, que l’Egypte ancienne nous donne d’elle-même ? Y a-t-il une seule manière d’accéder à l’émotion musicale ? Il faut espérer que chacun tentera de trouver, en conscience et dans ce qu’il ressent (ou pas), la réponse, nullement univoque, à ces questions.


Si les instruments de la « critique » traditionnelle n’ont donc que peu de prise sur un tel spectacle, on aura toutefois la tentation de constater que la mise en scène, les chorégraphies et les éclairages suivent très fidèlement la musique. Ainsi la façon dont, à l’image d’une noria, les danseuses portent et déplacent inlassablement de petits carrés de tissu rouge au devant des pas d’Akhenaton trouve-t-elle par exemple un écho direct dans les boucles apparemment infinies de la partition.


Les puristes reprocheront peut-être au travail élégant et reposant de Daniel Pelzig et Mary Zimerman - nettement moins stylisé, si l’on en croit les témoignages photographiques, que celui de la mise en scène d’Achim Freyer pour la création de l’œuvre, en 1984, ou, a fortiori, que les réalisations de Robert Wilson, partenaire historique de Glass - trop de démonstrativité, mais cette conception est en harmonie avec le premier degré des décors et costumes. Surtout, elle trouve sa traduction musicale dans la direction très expressive, « italianisante », serait-on tenté de dire, de Dante Anzolini. Ici aussi, les puristes seront peut-être fondés à considérer que la force de cette musique tient à son caractère lisse et impassible, mais tout cela est éminemment subjectif. Dans un ordre sans doute plus objectif, la plupart des chanteurs ne méritent que des louanges, à commencer par les trois rôles principaux, David Walker (Akhenaton), Nora Sourouzian (Nefertiti) et Witalije Blinstrubyte (la reine Tye, mère d’Akhenaton)


Au fond, ce spectacle fort cohérent donne l’impression d’attirer vers le grand opéra classique une œuvre - dernier élément d’une trilogie pourtant tout sauf routinière entamée avec Einstein on the beach et Satyagraha (consacré à Gandhi) - dont le propos, aussi bien philosophique que musical, vise sans doute à un niveau d’interprétation et de perception moins anecdotique. Cette lecture met en lumière tous les mythes de l’opéra du XIXème siècle que le deuxième acte paraît prendre un malin plaisir à convoquer : le ballet, la grande scène dramatique avec chœur - qui contient sans doute en elle-même sa parodie, tant le déroulement en est statique, tant les effets en sont appuyés, tant l’absence de mots la réduit à un paradigme du genre - l’air du héros (hymne à Amon) et le duo d’amour (Akhenaton et Nefertiti).


Cette impression se prolonge jusqu’à la scène finale : si un zeste d’ironie (les touristes foulant les ruines de la ville construite par Akhenaton) s’y fait sentir, il laisse rapidement la place aux fantômes (?) d’Akhenaton, de Nefertiti et de la reine Tye, qui auront le dernier mot : façon de signifier que nul n’est dupe que le grand opéra est mort (toutes les tentures du décor sont alors tombées, révélant les coulisses à l’arrière de la scène) mais qu’il est quand même plus confortable de continuer à faire comme si... ? L’opéra de Glass est sans doute suffisamment (et adroitement) ambigu pour ménager de telles ouvertures.



Simon Corley

 

 

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