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Début de saison faustien Liège Opéra royal de Wallonie 09/12/2025 - et 14*, 16, 18, 20 septembre 2025 Charles Gounod : Faust John Osborn (Faust), Erwin Schrott (Méphistophélès), Nino Machaidze (Marguerite), Markus Werba (Valentin), Elmina Hasan (Siebel), Ivan Thirion (Wagner), Julie Bailly (Marthe)
Chœur de l’Opéra royal de Wallonie, Denis Segond (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Giampaolo Bisanti (direction musicale)
Thaddeus Strassberger (mise en scène, décors, lumières), Giuseppe Palella (costumes), Antonio Barone (chorégraphie), Greg Emetaz (vidéo)
 (© Jonathan Berger/Opéra royal de Wallonie-Liège)
La saison de l’Opéra royal de Wallonie débute avec Faust (1859). Les dernières représentations de l’opéra de Gounod remontent à 2019, il n’y a donc pas si longtemps. Nous aurions préféré Mireille, bien plus rare.
Thaddeus Strassberger en signe la mise en scène. Sa Traviata, il y a un an, n’avait pas convaincu, et cette nouvelle production laisse également sceptique, pour à peu près les mêmes raisons. Voilà un parfait exemple de spectacle dont la dimension visuelle, notamment le choix des lumières, d’un goût douteux, masque, du fait de ses excès et de ses bizarreries, les intentions, non dépourvues d’intérêt, du metteur en scène. Le spectateur en reçoit plein la vue, le décor brouillant les repères temporels, bien qu’il soit un peu moins chargé que celui, outrancier, de l’opéra de Verdi. Les personnages évoluent dans un cadre riche de références, de la Renaissance à l’époque moderne, avec même, à un moment, une vidéo montrant des soldats de la Première Guerre mondiale, à moins qu’il s’agisse de ceux de la Seconde. Le décor accumule les signes et autres symboles ésotériques, dans une esthétique lourde et complexe qui rappelle, en peinture, les vanités.
Ce metteur en scène à l’imagination profuse parvient même à établir un rapprochement, avec l’appui de deux figurants, association probablement inédite dans cet opéra, entre, d’une part, le couple formé par Faust et Marguerite et, d’autre part, celui, mythique, d’Adam et Eve, les interprètes des deux personnages de Gounod gardant toutefois leurs habits. A cela s’ajoute une chorégraphie extatique à la finalité volontairement cathartique. Et que dire des costumes, l’image de la mise en scène, qui témoignent du brillant savoir‑faire, et aussi de la patience, des ateliers de l’Opéra royal de Wallonie. La direction d’acteur, quant à elle, demeure sommaire, efficiente, la psychologie des personnages se détachant de façon tout de même archétypale.
La distribution, majoritairement non francophone, malheureusement, suscite un enthousiasme modéré, la maîtrise variable, mais globalement faible, de la diction et de la prononciation compromettant l’authenticité des prestations vocales. Cependant, le Faust de John Osborn constitue l’incarnation la plus proche de l’idéal, par l’assurance de l’interprétation, mais aussi par le timbre, le raffinement, la précision. Erwin Schrott habite le personnage de Méphistophélès comme s’il l’interprétait depuis toujours, mais il ne parvient pas tout à fait à conjuguer la séduction et la perversion, la charisme et l’ambiguïté. Son personnage semble ainsi trop unidimensionnel. Reste, malgré tout, la force de la présence et du jeu d’acteur.
Solide soprano à la voix corsée, Nino Machaidze échoue en Marguerite à nous émouvoir, l’interprétation manquant de pureté et de délicatesse. L’air des bijoux, si attendu, pèche par défaut de raffinement et de précision, la chanteuse démontrant toutefois une technique et une endurance remarquables. Markus Werba campe un fort bon Valentin, juste et convaincant quant au chant et au jeu. Notons la jolie prestation toute de finesse et de sensibilité d’Elmina Hasan en Siebel, et citons les deux seuls francophones parmi les solistes, Ivan Thirion, en Wagner, et Julie Bailly, en Marthe, deux chanteurs belges que nous apprécions toujours de retrouver dans les rôles secondaires, à Liège.
Giampaolo Bisanti dirige un orchestre alerte, bien sonnant, bien que trop puissant, parfois, les sonorités demeurant le plus souvent belles, ce qui met en valeur l’écriture de Gounod. La direction de ce chef fort compétent et la prestation de cet orchestre de qualité soutiennent ainsi l’attention quasiment tout le long de la représentation, sans lassitude. Et les choristes, enfin, se distinguent dans l’ensemble positivement.
Tout cela, au fond, manque de grandeur, de style, de classe, sur le double plan musical et scénique, même si cette production se hisse à un niveau de qualité respectable. Nous ne partageons donc vraiment pas l’enthousiasme, très chaleureux, voire extatique, des spectateurs lors des saluts. Peut‑être quitterons‑nous le théâtre plus enthousiaste et convaincu, en octobre, avec Così fan tutte, du 10 au 23. Quant au metteur en scène, il n’en a pas tout à fait fini avec la Belgique, puisqu’il reviendra, cette fois à la Monnaie, pour une nouvelle production de Benvenuto Cellini, en janvier, une perspective, au regard de cette Traviata et de ce Faust, qui ne nous stimule pas vraiment. Et il demeure rare, pour conclure, qu’un même metteur en scène figure à l’affiche, la même saison, de deux maisons d’opéra belges, surtout deux institutions aussi différentes, sur le fond comme sur la forme, que l’Opéra royal de Wallonie et la Monnaie.
Sébastien Foucart
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