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Direction Montpellier Paris Maison de la radio et de la musique 07/16/2025 - et 17 juillet 2025 (Montpellier) Serge Rachmaninov : Concerto pour piano n° 3, opus 30
Richard Strauss : Ein Heldenleben, opus 40 Daniil Trifonov (piano)
Philharmonique de Radio France, Daniel Harding (direction)
 D. Harding (© Joachim Bertrand)
Un concert symphonique à Paris après le 14 juillet ? Voilà qui n’est pas habituel mais qui n’a pas pour autant décontenancé un public nombreux et très attentif. Une idée à retenir pour l’avenir ? Il y a peut‑être une place au cœur de l’été pour une programmation musicale qui, sans évidemment pouvoir se comparer à celle offerte au même moment à Londres, serait tout de même préférable à la traversée du désert imposée chaque année au mélomane francilien jusqu’à début septembre. Il est vrai que l’affiche, en cette soirée guère estivale et même pluvieuse, était de nature à séduire : un pianiste vedette dans son répertoire de prédilection et un chef familier du Philhar’ pour un généreux menu postromantique (servi à nouveau dès le lendemain au Festival de Montpellier).
Malgré tous ces excellents ingrédients, la mayonnaise ne prend pas en première partie, la faute en revenant notamment au récipient dans lequel ils sont mixés, à savoir l’auditorium de la Maison de la radio et de la musique. Car pour qui, tel l’auteur de ces lignes, découvre cette salle, la déconvenue n’est pas mince : comme dans certaines églises, non seulement le son, depuis le dixième rang, apparaît lointain, s’évaporant dans la hauteur, mais tout devient confus dès qu’on atteint le forte. C’est d’autant plus regrettable quand on se souvient que l’ancien auditorium Olivier Messiaen, inauguré un demi‑siècle plus tôt, ne présentait pas de tels inconvénients.
Dans le Troisième Concerto (1909) de Rachmaninov, Daniil Trifonov déploie une science du piano qui lui permet de ne jamais être mis en difficulté, mais il n’est pas certain qu’il fasse exprimer beaucoup de choses à la partition. On ne peut donc pas lui reprocher d’en faire trop, tentation à laquelle ne résistent pas toujours, d’autant qu’il varie considérablement le toucher. Mais la couleur paraît quelque peu uniforme et une lecture trop séquentielle démantibule encore plus cette œuvre déjà passablement décousue. Le lieu n’est en outre pas favorable à l’échange concertant, car dès que le piano monte en puissance, l’orchestre semble englouti à l’arrière‑plan – dommage, car quand l’occasion s’en présente, comme dans la partie centrale de l’Intermezzo, le dialogue est tout à fait séduisant.
Sans surprise, le pianiste russe reçoit un accueil triomphal, auquel il répond par un bis. Venant tout juste de jouer l’un des concertos les plus exigeants du répertoire, il a encore la ressource de donner l’Adagio du Pas de quatre du troisième acte de La Belle au bois dormant (1890) de Tchaïkovski arrangé par Mikhaïl Pletnev : dans les petites formes virtuoses comme celle‑ci, il fait assurément merveille.
On a connu Une vie de héros (1898) plus... héroïque, mais la relative retenue de Daniel Harding a au moins le mérite de tirer le meilleur – ou le moins mauvais – parti de l’acoustique. Au demeurant, on ne peut pas dire que le gigantesque poème symphonique straussien ait vraiment besoin qu’on en rajoute. Pour autant, certains passages dramatiques sont bien marqués et ont un fort impact, comme « La retraite du Héros », tandis que la seconde partie de « La compagne du Héros » est spécialement réussie, chacun semblant enfin se libérer pour chanter à pleins poumons. Mais l’esprit n’a pas constamment soufflé sur cette interprétation parfois comme hésitante, donnant de ce fait l’impression d’une alternance de moments pleinement réussis et d’autres où la tension retombe. Les musiciens, qui font la fête sans réserve au chef anglais, reçoivent eux‑mêmes de longs applaudissements : de fait, leur prestation n’appelle que des éloges, collectivement comme individuellement, à commencer bien sûr par le premier violon solo Nathan Mierdl, impeccable et sensible.
Le site du Daniil Trifonov
Simon Corley
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