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Le retour des Brigands travestis

Paris
Opéra Bastille
06/26/2025 -  et 21, 24, 26, 27 septembre, 2, 3, 5, 8, 12 octobre 2024, 29 juin, 1er*, 2, 4, 9, 10, 12 juillet 2025
Jacques Offenbach : Les Brigands
Marcel Beekman (Falsacappa), Antoinette Dennefeld (Fragoletto), Marie Perbost (Fiorella), Rodolphe Briand (Pietro), Philippe Talbot (Le comte de Gloria‑Cassis), Yann Beuron (Le baron de Campo‑Tasso), Mathias Vidal (Le duc de Mantoue), Laurent Naouri (Le chef des carabiniers), Sandrine Sarroche (Antonio), Leonardo Cortellazzi (Carmagnola), Eric Huchet (Domino), Franck Leguérinel (Barbavano), Seray Pinar*/Flore Royer (Adolphe de Valladolid), Eugénie Joneau*/Adriana Bignagni Lesca (La princesse de Grenade), Héloïse Poulet*/Ilanah Lobel‑Torres (Zerlina), Hélène Schneiderman (La duchesse), Marine Chagnon (Cincinella), Doris Lamprecht (La marquise), Maria Warenberg (Bianca), Clara Guillon (Fiammetta), Luis‑Felipe Sousa (Le précepteur), Manon Barthélémy (Sangrietta, Pipa), Rachella Kingswijk (Tortilla), Cécile L’Heureux (Burratina), Corinne Martin (Castagnetta, Pipetta), Victorien Bonnet (Pizzaiolo), Nicolas Jean‑Brianchon (Flamenco), Jules Robin (Zucchini, Pipo), Hédi Tarkani (Siestasubito), Guillemette Buffet, Tidgy Chateau, Maïté Dugenetay, Loïc Faquet, Léa Gibert, Anna Konopska, Anne‑Sophie Loustalot, Prince Mihai, Chloé Moynet, Maxime Pannetrat, Antoine Salle, Noa Gabriel Siluvangi (danseurs)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Ching‑Lien Wu (cheffe des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Stefano Montanari/Michele Spotti* (direction musicale)
Barrie Kosky (mise en scène), Rufus Didwiszus (décors), Victoria Behr (costumes), Ulrich Eh (lumières), Otto Pichler (chorégraphie), Antonio Cuenca Ruiz (dramaturgie, adaptation des dialogues)


(© Agathe Poupeney/Opéra national de Paris)


On pouvait compter sur Barrie Kosky pour déjanter Les Brigands, qui ont inauguré et clôturent la saison de l’Opéra. Ce fut le dernier triomphe d’Offenbach, six mois avant le début de la guerre de 1870, césure dans sa carrière. Une fois de plus, il étrillait tout le monde, perpétuant et détournant une certaine image du brigand, illustrée par le Fra Diavolo et Les Diamants de la couronne d’Auber – viendraient ensuite les contrebandiers de Carmen. Le tout épicé de pointes d’exotisme italianisant ou, surtout, hispanisant : l’auberge de Pipo, à l’acte II, se situe à la prétendue frontière des deux pays...


Le livret de Meilhac et Halévy est fondé sur le déguisement : la troupe dévalise et prend les habits de la délégation espagnole venue de Grenade avec l’Infante, en route pour Mantoue dont elle doit épouser le Prince. Il s’agit surtout de mettre la main sur les trois millions que Mantoue doit à Grenade. Les brigands n’en verront pas la couleur : non seulement ils sont démasqués, mais le ministre des finances véreux a piqué dans la caisse. Heureusement Fiorilla, la fille de Falsacappa, a sauvé au début la vie du Prince, qui fait grâce, les brigands promettant de devenir honnêtes et leur chef... entrant au gouvernement.


Le déguisement, chez le metteur en scène australien, devient travestissement. Le chef de la bande, Falsacappa prend les traits et le physique de la drag‑queen Divine, travelo vedette des films de John Waters. Le bandit, apprenant que sa fille aime le jeune fermier Fragoletto, s’écrie d’ailleurs : « La vie hétérosexuelle est morbide et ennuyeuse. » Comme Kosky entend, à sa façon, faire entrer l’œuvre « dans le vingt‑et‑unième siècle », la mise à jour passe en effet par un texte nouveau, ce qu’on peut contester, truffé d’allusions politiques à l’actualité. Ainsi est-il question d’un « jeune banquier devenu président ». Bayrou a remplacé Barnier dans le monologue parodique en vers, plutôt drôle, écrit et récité par l’actrice Sandrine Sarroche en caissier Antonio, ministre du budget en réalité.


Rien d’étonnant, quand les brigands se transforment en « pirates terroristes queers, conjuguant fluidité des genres et radicalisme politique », que la production prenne des allures de grand show queer à la chorégraphie vitaminée, rutilant, délirant, irrésistiblement rythmé, d’une éblouissante virtuosité. Voilà Offenbach annexé par le style camp. Avec des clins d’œil insolents – déguisé en ermite au début, Falsacappa tient une croix et un ostensoir – et des références parodiques – au baroque des églises espagnoles, peut‑être aux Ménines de Velasquez à travers la Princesse de Grenade. Bref, du pur Barrie Kosky, d’emblée reconnaissable, toujours un peu redondant, parfois vulgaire quand il se veut corrosif, portant un regard à la fois amusé, amusant et sans concession sur notre société – moins appuyé que dans sa Chauve‑Souris munichoise de 2023. Mais si l’on se laisse emporter par l’irrépressible tourbillon c’est aussi, voire surtout, parce que la direction d’acteur fait des chanteurs de fabuleux comédiens – et danseurs.


Il faut ainsi avoir vu l’incroyable Falsacappa de Marcel Beekman. Timbre nasal, mais jeu extraordinaire sur l’émission, notamment quand il imite une voix féminine dans le trio de l’acte III. Marie Perbost est pétillante en Fiorilla, avec de délicieux couplets, bien assortie au Fragoletto d’Antoinete Dennefeld, même si l’on a connu celle‑ci en meilleure voix. Saluons un ensemble d’une homogénéité parfaite, notamment l’ébouriffant Prince de Mantoue de Mathias Vidal, aux airs de Charlot, jusqu’aux vétérans Laurent Naouri et Yann Beuron, qui ont appris Offenbach chez Laurent Pelly. Sandrine Sarroche, en revanche, s’effondre quand il faut chanter, même beaucoup plus bas, les couplets du Caissier, destinés à un ténor caracolant sur plus de deux octaves pour atteindre le contre‑fa. Le chœur, très important ici, assure brillamment. Dans la fosse, le jeune et talentueux Michele Spotti, récemment nommé directeur à Marseille, mène le bal, vif et léger, aussi caustique, aussi burlesque que l’opéra‑bouffe d’Offenbach.



Didier van Moere

 

 

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