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Immersion

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Opera Vlaanderen
05/06/2025 -  et 8, 10, 13, 15, 16, 18* mai 2025
Luigi Nono : Intolleranza 1960
Peter Tantsits (Un émigré), Lisa Mostin (Son amie), Jasmin Jorias (Une femme), Tobias Lusser (Un Algérien), Werner Van Mechelen (Un homme torturé)
Koor Opera Vlaanderen, Jan Schweiger (chef de chœur), Symfonisch Orkest Opera Vlaanderen, Stefan Klingele (direction musicale)
Benedikt von Peter (mise en scène), Carla von Hoff (chorégraphie), Katrin Wittig (scénographie), Geraldine Arnold (costumes), Susanne Reinhardt (lumières), Bert Zander (vidéo), Tamer Fahri Ozgönenç (son)


(© Annemie Augustijns)


Cela fait dix-neuf ans que nous rendons compte de spectacles, et jamais nous n’avons vécu une expérience comparable à celle vécue à l’Opéra des Flandres, avec cette production d’Intolleranza 1960 (1961) de Nono.


Le metteur en scène, Benedikt von Peter, a adapté sa mise en scène originale, créée en 2023 au Théâtre de Bâle, pour l’Opéra de Gand, le seul lieu de représentation pour les sept dates, à l’exclusion, donc, de l’opéra d’Anvers. Et le spectacle sur déroule avec un nombre de spectateurs bien plus réduit que d’habitude. C’est qu’assister à cette production implique d’y prendre part comme figurant. Les portes de la salle ne s’ouvrent qu’en dernière minute. Le public entre dans la salle dont il découvre que les sièges sont recouverts de toiles blanches, comprenant ainsi qu’il n’est pas question de s’asseoir. Ensuite, il est invité à rejoindre les interprètes sur la scène, les uns assis par terre sur des coussins, parmi les choristes et les chanteurs, les autres sur une petite estrade, d’autres encore sur les banquettes entourant la cage, certains demeurant debout. L’orchestre ? Invisible, placé sous la scène, à peine visible par des trappes grillagées, le chef apparaissant sur des moniteurs placés aux quatre coins de la cage.


Et le spectacle commence. Les interprètes évoluent littéralement parmi les spectateurs, certains frôlant, voire enjambant, l’une ou l’autre personne, s’adressent parfois à eux, expriment leur désespoir ou leur révolte, et il n’est pas toujours évident de savoir qui appartient au public, qui appartient aux choristes. Mais assez rapidement, les spectateurs, qui se prêtent de fort bonne grâce à cette expérience insolite, sont poussés à se déplacer, à se lever, à se regrouper, et même à se coucher. Et c’est ainsi que vous sentez vibrer la musique de Nono, qui vous pénètre, dans une impression d’immersion rarement éprouvée à ce point. Et vous ressentez aussi l’engagement physique des solistes et des choristes. Inutile de préciser qu’il fut impossible, ce dimanche après‑midi, de s’assoupir sous l’effet de la digestion. Mais la mise en scène demeure bienveillante pour les spectateurs. Il est implicitement attendu de ces derniers de se laisser porter, de vivre le moment avec les interprètes. Et la direction d’acteur, totalement imperceptible sur le moment, tellement les situations émotionnelles paraissent réalistes et naturelles, suscite après coup une totale admiration, les spectateurs-figurants et les interprètes bougeant et se mouvant avec fluidité et précision.


Malgré des textes ancrés dans leur époque, le propos demeure entre les lignes totalement pertinent aujourd’hui – la guerre, l’émigration, les conséquences des changements climatiques. Ce spectacle en constitue la preuve. Et c’est progressivement, après une heure et demie d’émotions fortes, dues aussi à la musique sensationnelle de Nono, que le public rejoint la salle, laissant sur la scène les interprètes avec lesquels tout le monde a communié comme jamais, le temps d’un spectacle.


Un mot, tout de même, sur la prestation des chanteurs, tous vraiment excellents, Peter Tantsits, Lisa Mostin, Jasmin Jorias, Tobias Lusser, Werner Van Mechelen, impossible d’en épingler l’un au détriment de l’autre. Et cette production permet aussi de se rendre compte de l’engagement absolu des choristes de l’Opéra des Flandres, décidément épatants. Stefan Klingele dirige pour cette véritable action scénique un orchestre impliqué et sans faille, produisant une sonorité qui saisit et fascine. Une production hors norme, dont il restera une trace.



Sébastien Foucart

 

 

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