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Une Carmen débarrassée de tout folklore

Lausanne
Opéra
05/16/2025 -  et 18, 20*, 23, 25, 27 mai 2025
Georges Bizet : Carmen
Antoinette Dennefeld (Carmen), Edgaras Montvidas (Don José), Adriana González (Micaëla), Philippe Sly (Escamillo), Judith Fa (Frasquita), Séraphine Cotrez (Mercédès), Olivier Gourdy (Zuniga), Rémi Ortega (Moralès), Loïc Félix (Le Dancaïre), Raphaël Brémard (Remendado), Yanis Skouta (Lilas Pastia)
Chœur de l’Opéra de Lausanne, Alessandro Zuppardo (préparation), Chœurs de l’Ecole de musique Lausanne, Catherine Fender (préparation), Orchestre de Chambre de Lausanne, Jean‑Marie Zeitouni (direction musicale)
Jean-François Sivadier (mise en scène), Alexandre de Dardel (décors), Philippe Berthomé (lumières), Virginie Gervaise (costumes)


E. Montvidas, A. Dennefeld (© Carole Parodi)


Lorsqu’il a pris ses fonctions de directeur de l’Opéra de Lausanne il y a une année, Claude Cortese a laissé entendre qu’il entendait programmer des titres peu connus, voire inconnus, du public, mais qu’il terminerait chacune de ses saisons par un « tube » du répertoire lyrique. Pour son premier essai, il a choisi Carmen, très certainement l’opéra le plus joué au monde. Selon certains spécialistes, le chef‑d’œuvre de Bizet serait programmé chaque soir quelque part sur la planète. Six représentations sont agendées à Lausanne, toutes à guichets fermés, ce qui en dit long sur la popularité de l’ouvrage. Claude Cortese a choisi de proposer aux spectateurs lausannois une production créée à Lille en 2010, reprise plusieurs fois par la suite, la dernière en 2021 à Strasbourg. Et d’ailleurs, la distribution lausannoise est proche de celle de Strasbourg.


Le metteur en scène Jean-François Sivadier a voulu débarrasser Carmen de tout le folklore espagnol qui lui est traditionnellement associé. C’est donc sur un plateau pratiquement nu que se déroule l’action, avec pour seuls accessoires quelques tables et des chaises posées sur celles‑ci, ainsi qu’une estrade en arrière‑plan, qui se transforme par la suite en grand panneau figurant la manufacture de tabac, l’auberge de Lillas Pastia puis les arènes. On voit descendre des cintres l’habit d’Escamillo, les liens qui vont nouer les poignets de Carmen ou encore les caisses des contrebandiers de l’acte III. Au dernier acte, comme pour mieux contraster le drame qui va se dérouler, Carmen, Mercedes, Frasquita et Escamillo portent des habits traditionnels particulièrement colorés. La direction d’acteurs est réglée au cordeau, si bien qu’on peut se concentrer sur les interactions entre les personnages. Seule entorse majeure au livret : Carmen sera étranglée par Don José contre une paroi, un moment glaçant. Un gros bémol néanmoins : passe encore que les scènes d’ensemble, très animées au demeurant, soient traitées comme une comédie musicale, voire comme du music‑hall, ou presque, avec les personnages dansant sur le devant de la scène, mais certains dialogues parlés, adaptés pour l’occasion, virent carrément au burlesque, comme la conversation entre le Dancaïre et Remendado à l’acte II. Vraiment dommage, car opéra‑comique ne signifie pas grosse farce.


Antoinette Dennefeld est une Carmen magnifique : sa bohémienne est une jeune femme ayant beaucoup de classe, déterminée, sûre d’elle‑même, chérissant sa liberté à tout prix, une femme moderne qui revendique son émancipation ; si elle est bien consciente de son charme, elle n’est jamais aguicheuse ni vulgaire, une Carmen bien loin de tous les stéréotypes collant au rôle, et d’ailleurs elle est blonde... Vocalement, elle séduit par son chant raffiné et nuancé, très contrôlé et parfaitement homogène sur toute la tessiture. Le Don José d’Edgaras Montvidas ne se hisse pas au même niveau, car son chant est le plus souvent tout en force, peu nuancé. La diction française pêche elle aussi. Heureusement, l’interprète parvient à se montrer plus subtil et raffiné dans le célèbre « La fleur que tu m’avais jetée », qui se révèle tout simplement splendide, un moment d’une grande émotion. Les mêmes défauts se retrouvent dans la Micaëla d’Adriana González : le timbre est superbe, plein et rond, parfaitement homogène, mais la chanteuse force souvent ses moyens, quand bien même elle est capable de pianissimi d’une immense douceur ; son français est, lui aussi, assez approximatif. Il est d’ailleurs surprenant que ces deux rôles n’aient pas été confiés à des chanteurs francophones. L’Escamillo de Philippe Sly impressionne par sa belle voix grave, percutante et sonore, avec des aigus bien timbrés aussi ; son personnage dégage beaucoup d’énergie et de classe. Les rôles secondaires sont tous excellents, très impliqués dans leur personnage respectif. Une mention spéciale est à décerner au Chœur de l’Opéra de Lausanne, confondant de précision et d’équilibre. A la tête de l’Orchestre de Chambre de Lausanne, Jean‑Marie Zeitouni offre une lecture dynamique et énergique de la partition de Bizet, apportant un soin particulier à la recherche de couleurs et d’ambiances.



Claudio Poloni

 

 

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