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Sans ambiguïté

Lyon
Opéra
05/09/2025 -  et 11, 13, 15*, 17, 19, 21 mai 2025
Benjamin Britten : Peter Grimes, opus 33
Sean Panikkar (Peter Grimes), Sinéad Campbell-Wallace (Ellen Orford), Andrew Foster-Williams (Capitaine Balstrode), Carol Garcia (Auntie), Katarina Dalayman (Mrs Sedley), Thomas Faulkner (Swallow), Alexander De Jong (Ned Keene), Filipp Varik (Bob Boles), Eva Langeland Gjerde, Giulia Scopelliti (Nièces), Lukas Jakobski (Hobson), Yannick Bosc (John), Erik Arman (Le révérend Adams)
Chœurs de l’Opéra de Lyon, Benedict Kearns (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Lyon, Wayne Marshall (direction musicale)
Christof Loy (mise en scène), Johannes Leiacker (scénographie), Judith Weihrauch (costumes), Bernd Purkrabek (lumières), Thomas Wilhelm (chorégraphie)


(© Agathe Poupeney)


Quatre-vingts ans après sa création à Londres et onze ans après une mémorable production signée Yoshi Oida et Kazushi Ono, Peter Grimes, le deuxième opéra de Benjamin Britten (1913‑1976) revient à l’Opéra de Lyon avec la vision très personnelle du régisseur Christof Loy, réalisée à Vienne pour le Theater an der Wien en 2015.


Il faut une certaine patience et une bonne connaissance de l’œuvre pour entrer dans ce Peter Grimes ayant pour seule scénographie une scène dépouillée à forte pente inclinée, vite peuplée de chaises, et d’un simple lit qui figure tour à tour la cabane et le bateau du pêcheur et un lieu de refuge et de passion pour les personnages principaux du drame. La mer, si présente dans la musique en est absente, et les habitants du bourg, y compris Grimes, sont habillés de costumes de ville rendant difficile leur identification à qui n’est pas familier du livret.


La version extrêmement personnelle qu’en donne Loy est de lever l’ambiguïté sur l’identité sexuelle de Grimes et à peine sur sa culpabilité meurtrière. « Pour moi, Peter est homosexuel », affirme‑t‑il dans les notes de programme. Etant chanté par un interprète américain d’origine sri‑lankaise, il paraîtra doublement marginal aux villageois. L’apprenti John n’est plus un boy innocent mais un bel adulte joué par le danseur Yannick Bosc, aux charmes duquel succomberont successivement pendant un des interludes le Capitaine Balstrode, seul soutien de Grimes contre l’adversité du bourg dont on devine qu’il a été son amant, et Ellen Orford, seul espoir pour Grimes pour rentrer dans la normalité d’une vie conjugale, dont on comprend vite qu’elle n’est qu’un écran de fumée pour dissimuler ce qui se passe réellement dans la cabane du pêcheur. Deux scènes d’intimité entre l’apprenti et Balstrode, puis Grimes lèvent totalement l’ambiguïté dans laquelle Britten et son librettiste Montagu Slater avaient tissé l’œuvre inspirée du poème de George Crabbe.


La réalisation de Loy, si elle peut ne pas convaincre, voire déranger, concernant cet aspect du drame, est très forte pour la caractérisation de la réaction des habitants de ce port de pêche, omniprésents sur scène avec des mouvements réglés de façon quasi chorégraphique donnant sans cesse l’impression d’un huis‑clos étouffant.


Sean Panikkar impose un Grimes beaucoup plus révolté qu’accablé. Sa caractérisation vocale assez en force prive ses deux grands airs de leur dimension métaphysique ; seul le dernier air de colère contre la société le montre plus convaincant. Andrew Foster-Williams, qui était déjà Balstrode dans la précédente production lyonnaise et à Vienne, chante parfaitement les doubles faces de son personnage. Sinéad Campbell-Wallace, avec une voix plus stridente que douce, prive Ellen de toute tendresse, allant dans le sens de la mise en scène qui lui confère un aspect austère et rigide.


Bien heureusement pour leur identification qui n’est pas évidente par l’aspect visuel, chacun des rôles secondaires masculins est parfaitement tenu et certains, comme Lukas Jakobski, Hobson de très forte personnalité vocale, et Thomas Faulkner, Swallow autoritaire, se distinguent particulièrement. Carol Garcia joue une Auntie capiteuse qui mène bien son monde et ses deux « nièces » dans un pub du Sanglier qui manque un peu d’atmosphère. Katarina Dalayman donne beaucoup de relief à Mrs Sedley, adepte de laudanum dans le livret, cocaïnomane sur scène, qui mène par ses cancans ridicules l’adversité des villageois.


La plus grande force du spectacle, outre un chœur magnifique de précision et de théâtralité, préparé par Benedict Kearns, est la direction très dramatique de Wayne Marshall à la tête du magnifique Orchestre de l’Opéra de Lyon, qui brille autant par une discipline d’ensemble que par la beauté des nombreux raffinements solistes dont Britten a truffé sa partition. Le compositeur anglais reviendra à Lyon en mars 2026 avec Billy Budd, son autre chef‑d’œuvre lyrique.



Olivier Brunel

 

 

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