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Dramaturgie à quatre Vienna Konzerthaus 04/28/2025 - et 5 (Hong Kong), 11 (Hambourg) avril, 11 juin (London) 2025 Arnold Schönberg : Quatuor n° 1, opus 7
Ludwig van Beethoven : Quatuor n° 14, opus 131 Quatuor Belcea : Corina Belcea, Suyeon Kang (violon), Krzysztof Chorzelski (alto), Antoine Lederlin (violoncelle)
 A. Lederlin, C. Belcea, S. Kang, K. Chorzelski (© Maurice Haas)
Couplage logique, néanmoins audacieux : les deux œuvres pionnières incluses dans ce programme repoussent, chacune à sa manière, les limites de la musique viennoise de l’époque, faisant exploser les cadres traditionnels de la forme (l’une et l’autre dépassant les quarante minutes de musique) et redéfinissant l’approche de la tonalité. Il en n’en fallait pas moins pour attirer un public nombreux de fidèles viennois, dont la qualité de concentration exceptionnelle offre toujours un écrin idéal aux interprétations de quatuors à cordes.
L’approche du Quatuor Belcea dans le Premier Quatuor de Schönberg (une relative rareté dans les salles, avec à peine un concert par décennie au Konzerthaus), est en totale adéquation avec l’essence de cette œuvre profuse et exigeante, y insufflant une puissance orchestrale et une richesse dans les contrastes remarquables. On admire sans réserve les qualités individuelles des quatre interprètes, dont la présence, l’intensité et la liberté expressives ne compromettent jamais l’unité du groupe. Plutôt qu’un unique instrument à seize cordes, on a parfois l’impression d’entendre un orchestre de seize pupitres, tant la diversité des timbres et des dynamiques est rendue avec clarté, sans jamais saturer l’écoute. Cette lisibilité exemplaire se maintient tout au long des trente‑neuf épisodes qui structurent cette fresque monumentale.
Le Quatuor Belcea éblouit en revanche souvent plus qu’il ne touche dans l’Opus 131 de Beethoven. La théâtralité semble parfois primer sur la spontanéité ; la monumentalité du discours l’emporte sur une certaine humanité ; enfin, le premier violon dirige l’œuvre avec une telle vigueur que l’équilibre des voix penche vers les aigus. L’humour, les moments de tension et de relâchement sont magnifiquement traduits, mais en fin de compte, l’impression de mystère qui entoure ces ultimes chefs‑d’œuvre beethovéniens demeure intacte ; en comparaison, la lecture du Quatuor Ebène dans l’Opus 130, empreinte de fluidité organique, était porteuse de révélations d’une toute autre profondeur poétique.
Le public reste enthousiaste, rappelant le quatuor pour un ultime bis – mission qui semblerait impossible après un tel programme – mais dont le Quatuor Belcea s’acquitte avec grâce : il clôt la soirée avec le mouvement lent du Seizième Quatuor de Beethoven.
Dimitri Finker
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