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L’ambitieuse Madame Rose Paris Philharmonie 04/16/2025 - et 1er, 2 février (Nancy), 17, 18, 19 (Paris), 30 avril, 2, 3 mai (Luxembourg), 29, 30, 31 décembre (Caen) 2025, 10, 11 janvier 2026 (Reims) Jule Styne : Gypsy Natalie Dessay (Rose), Neïma Naouri (Louise), Medya Zana (June), Daniel Njo Lobé (Herbie), Antoine Le Provost (Tulsa), Barbara Peroneille (Mazeppa, Hollywood Blonde), Marie Glorieux (Electra, Hollywood Blonde), Kate Combault (Tessie Tura, Hollywood Blonde), Juliette Sarre (Miss Cratchitt, Agnès, Hollywood Blonde, Renée), Rémi Marcoin (L.A.), David Dumont (Kansas), Léo Gabriel (Yonkers), Thomas Condemine (Uncle Jocko, Weber, Pastey), Pierre Aussedat (George, Cigar, Mr Goldstone), Maîtrise populaire de l’Opéra‑Comique
Orchestre de chambre de Paris, Gareth Valentine (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène, costumes), Agathe Mélinand (traduction des dialogues), Lionel Hoche (chorégraphie), Marco Giusti (lumières), Massimo Troncanetti (scénographie), Unisson Design (design sonore), Aline Loustalot (décor sonore)
 N. Dessay (© Jean-Louis Fernandez)
Voici Gypsy, musical de Jule Styne et Stephen Sondheim, considéré comme la matrice des comédies musicales de Broadway, consacré par un triomphe public à la Philharmonie de Paris avant de partir pour une tournée française.
Et pour ces débuts français, la réalisation implique une production légère et facilement transportable sans décors et à costumes uniques, habilement dépouillée, avec à Paris l’orchestre occupant le centre du plateau, des praticables permettant à l’action de se dérouler derrière et autour. Un système de panneaux indique comme au temps du cinéma muet où se passe l’action et les dialogues ont été concentrés et traduits en français, les chansons restant en langue originale surtitrée.
Gypsy, à sa création en 1959 à Broadway, réunissait quasiment l’équipe qui venait de faire le succès de West Side Story : Stephen Sondheim pour les numéros chantés, Arthur Laurents pour le livret et Jerome Robbins pour la chorégraphie. La musique est de l’Anglo-Ukrainien Jule Styne à qui l’on doit Funny Girl et, entre autre tubes, « Diamonds are a girl’s best friend », « People », « All the Way »... Ajoutons que la créatrice du rôle de Mama Rose que reprend aujourd’hui Natalie Dessay était l’immense Ethel Merman pour qui il avait été écrit.
Il s’agit de l’histoire vraie des péripéties dans l’Amérique de la Grande Dépression d’une troupe ambulante d’enfants exhibés comme des chiens de cirque par une mère, Madame Rose, elle‑même actrice manquée, dévorée d’ambition pour ses deux filles. Une des deux deviendra une star du burlesque, Gypsy Rose Lee, d’après les mémoires de laquelle le livret de ce musical a été conçu.
Le plus grand luxe de cette nouvelle production semi-scénique à la française est, comme à chaque fois que pendant les années où il dirigeait le Théâtre du Châtelet et aujourd’hui le Lido 2, Jean‑Luc Choplin a fait découvrir au public parisien les grands du musical américain, l’utilisation d’un orchestre étoffé et de qualité, ce qui est loin d’être le cas dans les théâtres de Broadway ou du West end londonien. Gareth Valentine, chef britannique ayant collaboré avec Sondheim, dirige la cinquantaine de musiciens de l’excellent Orchestre de chambre de Paris et, de l’éclatante Ouverture jusqu’aux numéros de cabaret et au spectaculaire final, on est dans l’absolue perfection. La partie orchestrale est vraiment la colonne sur laquelle s’appuie une réalisation théâtrale pas très fluide et souvent un peu bancale.
Laurent Pelly, bien connu pour ses réalisations dans le domaine de l’opéra, de l’opérette et même la comédie musicale, a conçu un spectacle dont on a dit les conditions théâtrales minimalistes mais qui souffre un peu d’une direction d’acteur inhomogène. Il est bien heureusement épaulé pour la danse par le chorégraphe Lionel Hoche, qui fut élève de Jirí Kylián, les numéros dansés, timides au début mais assez spectaculaires dans les scènes de danse burlesque dans la seconde partie, étant une des réussites du spectacle.
Ce par quoi le spectacle pèche est, outre le fait que la grande salle de la Philharmonie de Paris ne soit pas idéale, si peu adaptée à l’intimité du théâtre, le manque d’homogénéité de la distribution, qui, comme c’est l’usage pour les musicals, est sonorisée par des micros. Natalie Dessay qui tient le rôle de Rose, un des deux principaux, grâce à la grande présence scénique qu’on lui a bien connue tout au long de sa carrière sur les scènes lyriques, occupe formidablement l’espace scénique au prix d’un « surjouer » qu’elle a toujours pratiqué à l’opéra. On avait plutôt admiré sa reconversion dans Passion de Sondheim et dans Les Parapluies de Cherbourg au Châtelet. S’il lui reste assez de volume pour assurer la partie vocale, sa technique reste héritée de l’opéra, où elle chantait les rôles de soprano colorature. Si sa voix a bien descendu dans la tessiture, elle ne maîtrise pas parfaitement la technique du belting, inventée pour ce rôle par la créatrice Ethel Merman, consistant en une émission vocale centrée sur le haut de poitrine et devenue le standard pour ces rôles dramatiques du musical.
Si les autres rôles sont bien tenus, notamment ceux des enfants par ceux de la Maîtrise populaire de l’Opéra‑Comique, et celui de Herbie, le manager de la troupe, par Daniel Njo Lobé, la sensation du spectacle aura été Neïma Naouri, la propre fille de Natalie Dessay, formée à l’école du musical et dont les débuts de carrière en France (Un violon sur le toit à l’Opéra du Rhin, Le Chat du rabbin au Théâtre de l’Œuvre, A Funny Thing Happened on the Way to the Forum au Lido 2) et au Royaume‑Uni ont étés prometteurs. Elle montre ici une belle présence scénique et vocale et un éclat particulier dans la grande scène d’affrontement avec sa mère au final.
Le public de la première parisienne – le spectacle a été rodé en février dernier à l’Opéra de Lorraine – a réservé un accueil triomphal à ce spectacle appelé à un bel avenir dans d’autres théâtres.
Olivier Brunel
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