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Honnête et de qualité Liège Opéra royal de Wallonie 04/13/2025 - et 15, 17, 19, 22 avril 2025 Jules Massenet : Werther Arturo Chacón-Cruz (Werther), Clémentine Margaine (Charlotte), Elena Galitskaya (Sophie), Ivan Thirion (Albert), Ugo Rabec (Le Bailli), Pierre Derhet (Schmidt), Samuel Namotte (Johann), Jonathan Vork (Brühlmann), Lucie Edel (Kätchen)
Maitrise de l’Opéra royal de Wallonie, Véronique Tolet (responsable de la Maîtrise), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Giampaolo Bisanti (direction musicale)
Fabrice Murgia (mise en scène), Rudy Sabounghi (décors), Marie‑Hélène Balau (costumes), Emily Brassier (lumières), Giacinto Caponio (vidéo)
 (© Jonathan Berger/Opéra royal de Wallonie)
Dans sa mise en scène du Turc en Italie en octobre 2022, Fabrice Murgia utilisait des caméras. Il en va de même dans cette nouvelle production de Werther (1892), mais le recours à la vidéo en direct demeure parcimonieuse, et plus pertinente dans la seconde partie du spectacle que dans la première. Les images illustrent bien les tourments des personnages, mais il aurait été possible, et probablement aussi souhaitable, de se passer, cette fois‑ci, de ce procédé devenu tout de même assez fréquent à l’opéra aujourd’hui. Il serait toutefois injuste de réduire cette mise en scène à ce choix discutable. Celle‑ci relate avec lisibilité et cohérence le drame de Werther, au dix‑neuvième siècle, dans un milieu bourgeois joliment évoqué par une scénographie plaisante, admirablement éclairée. Epinglons la dernière scène, avec cette nuit, cette neige, ce tronc d’arbre, cette demeure au loin : voilà tout juste ce qu’il fallait. La direction d’acteur, en outre, n’appelle guère de réserve : les personnages se détachent, la tension ne faiblit pas, l’issue parait inéluctable. Une mise en scène et une scénographie honnêtes, de qualité, assez représentatives des spectacles applaudis depuis quelque temps sur cette scène. Le directeur général et artistique semble, en effet, s’être détourné de ces spectacles un peu trop lourds et passéistes que préférait son prédécesseur. Et il ne nous déplairait pas de voir sur cette scène une Thaïs ou un Don Quichotte, monté, pourquoi pas, par Fabrice Murgia, idéalement sans caméra.
Malgré l’une ou l’autre réserve, la distribution répond aux attentes. Arturo Chacón‑Cruz convainc pleinement en Werther, dont il exprime admirablement le tempérament tourmenté et romantique, la sensibilité, l’humanité, jusque dans les excès du personnage. Le chanteur concilie bien la virilité sans masculinité toxique ainsi que la sensibilité du héros tragique. La voix séduit par ses couleurs, le chant par son expressivité, dans une approche plus extérieure, bien que nuancée, qu’introspective. La prononciation du français demeure en outre assez satisfaisante. Le ténor mérite assurément l’accueil triomphal que le public lui réserve, bien qu’une autre approche interprétative soit possible. Clémentine Margaine possède une voix de dimension quasiment wagnérienne, probablement surdimensionnée pour Charlotte, mais somptueuse, assurément, et supérieurement maîtrisée. Elle s’identifie intimement à son personnage, avec peut‑être davantage de retenue et d’aisance stylistique encore que son partenaire. Le choix de l’excellente Elena Galitskaya en Sophie n’appelle aucune contestation, l’adéquation entre les moyens et le rôle paraissant un peu plus évidente : la soprano apporte à son personnage une pétillante juvénilité des plus plaisantes. Ivan Thirion parvient à exister à côté de poids lourds comme Arturo Chacón‑Cruz et Clémentine Margaine : le baryton cerne bien le personnage d’Albert, dont il dresse un portrait assez juste, un peu trop univoque, peut‑être.
Sous la direction de Giampaolo Bisanti, l’orchestre a tendance à jouer parfois un peu trop fort et avec un peu trop d’épaisseur, mais il livre dans l’ensemble une prestation de qualité, suffisamment fluide et précise, plutôt dense et tendue, sans toutefois atteindre l’idéal en termes de raffinement, de subtilité. Les musiciens et leur chef valorisent en tout cas assez bien l’orchestration et les motifs de cette musique d’admirable facture. Les autres petits rôles sont bien répartis entre des chanteurs capables de les faire vivre. Ravissante prestation de la Maîtrise, enfin, sous la responsabilité de Véronique Tolet, qui a su obtenir des enfants fraîcheur, naturel et précision.
Sébastien Foucart
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