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Quand l’humour vire au kitsch

Lausanne
Opéra
04/06/2025 -  et 8*, 11, 13 avril 2025
Gaetano Donizetti : Don Pasquale
Omar Montanari (Don Pasquale), Angelica Disanto (Norina), Joel Prieto (Ernesto), Dario Solari (Docteur Malatesta), Julia Deit‑Ferrand (Le Notaire)
Chœur de l’Opéra de Lausanne, Jacopo Facchini (préparation), Orchestre de Chambre de Lausanne, Giuseppe Grazioli (direction musicale)
Tim Sheader (mise en scène), Louise Brun (assistante à la mise en scène), Leslie Travers (décors), Jean‑Jacques Delmotte (costumes), Howard Hudson (lumières), Steve Elias (collaboration aux mouvements), Sophia Priolo (assistante à la collaboration aux mouvements)


(© Carole Parodi)


On dit souvent que l’humour est l’art le plus difficile qui soit. Ce constat s’applique aussi à l’opéra, où les metteurs en scène d’ouvrages comiques ou bouffes ont tendance à croire que plus ils en font des tonnes, plus ils seront drôles, alors qu’ils accumulent les poncifs. C’est malheureusement le cas de la production de Don Pasquale présentée à l’Opéra de Lausanne. Tim Sheader a fait du chef‑d’œuvre de Donizetti une grosse farce où règne une agitation gratuite, avec des personnages mal définis, quand ils ne sont pas tout simplement caricaturaux. A aucun moment, on ne retrouve la grâce et l’émotion qui jalonnent pourtant l’ouvrage. Le metteur en scène britannique, surtout connu pour ses réalisations de comédies musicales, voit en Don Pasquale le propriétaire d’une entreprise florissante, à en juger en tout cas par le clinquant immeuble de sa société, sur la façade duquel s’affichent les cotes de la Bourse et où un bataillon de collaborateurs s’affairent devant des ordinateurs. Le décor tourne pour laisser apparaître ensuite l’appartement du richissime capitaine d’industrie, décoré d’œuvres d’art et dans lequel ce dernier maintient sa forme à l’aide d’un coach personnel. Arrive alors Ernesto, le neveu de Don Pasquale, guitare en bandoulière et casque vissé sur les oreilles. Après l’entracte, une fois célébré le (faux) mariage entre Don Pasquale et Norina, celle‑ci aura pris soin de relooker de fond en comble l’intérieur du barbon, désormais entièrement rose bonbon, avec de surcroît un immense sapin de Noël, rose lui aussi, deux bonhommes de neige géants, un train électrique avec des wagons remplis de cadeaux et les choristes déguisés en lutins. Difficile de faire plus kitsch ! La production avait été créée à Nancy pour les fêtes de fin d’année 2023, d’où le sapin de Noël, qui apparaît totalement incongru à Lausanne en avril ! Et personne n’a pensé à éventuellement ajouter quelques allusions pour Pâques... Malgré tout, le spectacle est plaisant, avec notamment une occupation de l’espace réglée au cordeau, avec de nombreuses entrées et sorties, qui confèrent beaucoup de vivacité à la soirée.


La partie musicale et vocale de ce Don Pasquale lausannois laisse, elle aussi, quelque peu à désirer. A la tête de l’Orchestre de Chambre de Lausanne, Giuseppe Grazioli propose certes une lecture précise, où tout s’enchaîne parfaitement et où tout est en place sans aucun décalage, mais une lecture qui se révèle surtout énergique, à défaut d’être subtile et raffinée. La distribution est dominée par le splendide Don Pasquale d’Omar Montanari, très engagé dans son personnage, pétulant à souhait, à la diction irréprochable et au chant sillabato impeccable. Les premières notes de la Norina d’Angelica Disanto laissent dubitatif, tant la soprano commence par chanter plutôt bas et manque quelque peu de précision. Elle se rattrape par la suite, avec un chant aux belles couleurs et à l’agilité remarquable, malgré quelques stridences dans l’extrême aigu. Dario Solari compose un Docteur Malatesta doté de beaucoup d’aplomb et d’une formidable présence scénique, malgré une émission plutôt engorgée. En Ernesto, Joel Prieto est une erreur de casting, tant le chanteur ne maîtrise pas les règles du bel canto, incapable de chanter pianissimo et forçant constamment son instrument. Julia Deit‑Ferrand campe un Notaire des plus truculents, alors que le Chœur de l’Opéra de Lausanne est confondant d’équilibre et de cohésion. La déception pour ce Don Pasquale est d’autant plus grande que les spectacles proposés jusqu’ici à Lausanne depuis le début de la saison par le nouveau directeur de l’Opéra, Claude Cortese, avaient tous été absolument remarquables.



Claudio Poloni

 

 

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