Paris Opéra Comique 03/30/2025 - Johannes Brahms : Concerto pour piano n° 1, opus 15 [1]
Frédéric Chopin : Concerto pour piano n° 2, opus 21 [2]
Serge Rachmaninov : Concerto pour piano n° 3, opus 30 [3]
Serge Prokofiev : Concerto pour piano n° 3, opus 26 [4]
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 4, opus 58 [5] Masaharu Kambara [1], Eric Guo [2], Saehyun Kim [3], Hyo Lee [4], Tiankun Ma [5]
Orchestre symphonique de la Garde républicaine. Bastien Stil (direction)
La salle Favart, comble d’un public fervent et généreux en ovations, offrait ce dimanche 3 mars un écrin somptueux à la finale du Concours Long‑Thibaud 2025, consacré au piano.
Réuni par Gérard Bekerman, qui a pris la direction de la Fondation en 2021, le jury était composé d’éminents musiciens, Mikhaïl Rudy, François‑René Duchâble, Marc Laforet, Tania Heidsieck, Hélène Mercier, János Balázs, Marina Bower, Ewa Poblocka, Pavel Gililov et Dominik Winterling.
Cette année, le Concours a attiré 126 candidats, 32 se sont qualifiés pour participer aux épreuves finales et 5 d’entre eux, tous asiatiques – dont trois âgés de 17 ans pour une moyenne d’à peine 19 ans... – ont été retenus pour l’épreuve finale avec orchestre. Un large choix de grands concertos classiques et romantiques était proposé aux concurrents : Rachmaninov (Troisième), Brahms (Premier), Ravel (Concerto en sol), Prokofiev (Troisième, Tchaïkovski (Premier), Beethoven (Quatrième), Chopin (Second), Saint‑Saëns (Deuxième) et Mozart (Concerto en ut mineur K. 491.
Masaharu Kambara déploie un jeu d’une grande éloquence et d’une grande sensibilité dans le Premier Concerto de Brahms. La sonorité est riche, le son porte loin et le pianiste prend un soin particulier à ses dialogues avec l’orchestre, quasiment comme un chambriste. Son jeu profond n’oublie jamais la poésie, notamment dans l’Adagio. Masaharu Kambara aborde le Finale avec une réelle joie de vivre et une énergie débordante.
Dans le Second Concerto de Chopin, Eric Guo nous enthousiasme avec son éloquence naturelle, sa fluidité élégante dans les grands traits et cadences ornementales. Son jeu, extrêmement nuancé et d’une très grande finesse suit tous les caprices chopiniens et son art du chant, particulièrement remarquable dans le Larghetto, le place à un très haut niveau de musicalité. C’est un peu comme cela que l’on imagine comment jouait le compositeur.
Lorsque Rachmaninov accompagna Horowitz dans son Troisième Concerto, le compositeur confia plus tard à quelques amis : « Il s’est jeté sur ma musique avec une fureur et une voracité de tigre ». C’est la sensation que nous avons eue avec Saehyun Kim, qui embrase l’œuvre avec un jeu grisant et jubilatoire, un tempo qui avance constamment, sans emphase, sans maniérisme. On ne mesure pas la densité d’écriture de cette partition surchargée, sauf peut-être dans la brontosaurienne grande cadence, tant le jeu du pianiste est clair et timbré. L’Allegro ma non troppo avance tel un torrent vivifiant, progresse par vagues irrésistibles. Le deuxième mouvement (Intermezzo) s’énonce dans une grande charge émotionnelle avec un tempérament généreux, tandis que le Finale, dans lequel le pianiste se permet quelques espiègleries, tourbillonne parfois nerveusement, mais sans fébrilité, avec une réserve de puissance et de vitesse stupéfiante.
Hyo Lee aborde le Troisième Concerto de Prokofiev avec une conscience remarquable du style du compositeur. Faisant preuve de beaucoup d’endurance dans cette redoutable page, sorte de partition futuriste des années 1920, on est séduit par son énergie, sa joie de jouer, son rayonnement. Le jeu à la fois incisif et sarcastique du jeune pianiste sud‑coréen multiplie les audaces avec une vélocité remarquable alliée à une rythmique chevillée au corps. Des sonorités un peu crues, auxquelles le Steinway ne résiste pas toujours, parcourent parfois l’œuvre, mais l’ensemble déploie une tension rythmique oppressante, une énergie fruste et populaire absolument enthousiasmantes.
Avec le Quatrième Concerto de Beethoven, nous découvrons le jeu scintillant, ensoleillé de Tiankun Ma. Le jeune pianiste chinois aborde l’œuvre avec une virtuosité implacable, une autorité magistrale, un grand sens des plans et une conscience quasi philosophique du compositeur. Le premier mouvement apparaît puissant et poétique, couronné par une spectaculaire cadence. Une grande pudeur et une tenue remarquable habitent l’Andante con moto, combat mené avec gravité, profondeur et maturité entre le soliste et l’orchestre, tandis que l’œuvre se termine brillamment dans une joie communicative, piaffant parfois d’impatience juvénile.
Un hommage doit évidemment être rendu à l’excellent Orchestre symphonique de la Garde républicaine et à son chef, le lieutenant‑colonel Bastien Stil. Véritable marathon, les musiciens accompagnaient cinq grands concertos dans l’après‑midi et quelques extraits au concert de clôture...
Palmarès
Saehyun Kim : Premier Grand Prix, Prix de la presse, Prix du public, Prix des étudiants du Conservatoire. Il reçoit un chèque de 35 000 euros et sera invité dans plusieurs festivals, dont le Gstaad New Year Festival et la série de concerts de l’Association Frédéric Chopin à Lyon.
Pas de deuxième Prix.
Hyo Lee : Troisième Grand Prix.
Masaharu Kambara et Tiankun Ma : Quatrième Grand Prix ex æquo.
Eric Guo : Cinquième Grand Prix.