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Label Hélène

Montpellier
Corum ; Opéra Berlioz
07/19/2002 -  

Johannes Brahms :

Concerto pour piano et orchestre n° 1 en ré mineur opus 15.

Symphonie n° 1 en ut mineur opus 68.


Hélène Grimaud (piano).

Orchestre National de France, Marc Minkowski (direction).




Détestez-vous Brahms ? A l'orée du festival de Montpellier 2002, la question mérite d'être posée. Après le choix discutable de Pinchas Steinberg avec l'Orchestre de la Suisse Romande, de nous proposer en amuse-gueule une déprimante autant qu'inutile transcription de la Sonate pour clarinette et piano opus 120 n° 1, au tour de la Première Symphonie d'être mise à mal. Remarquons au passage que c'est la Quatrième qui était prévue ; et que cette déprogrammation s'ajoute à quelques autres, irritantes, qui concourent - avec d'autres vétilles - à laisser un tantinet les réjouissances dans leurs starting-blocks ! Soirée en Docteur Jekyll et Mister Hyde en vérité, car le Premier Concerto proposé en ouverture a été un très grand moment.


Il le doit tout entier à Hélène Grimaud, habitée par un feu sacré dont, fort habilement et fallacieusement, Marc Minkowski a su tirer tous les marrons. On le sait, la renommée de la pianiste n'est plus à faire. Auteur (Sanderling, Erato) d'un enregistrement référentiel de la même oeuvre, elle a confirmé avec maestria son autorité dans le « grand » répertoire. Le chef est tout aussi réputé. Précédé d'une réputation flatteuse, il déchaîne l'enthousiasme un peu partout dans des domaines très variés. Qu'on nous permette d'être un peu réservé. A part un Ariodante historique (sans doute grâce à Anne-Sofie von Otter) et un Orphée aux Enfers pour le premier rayon, on ne voit rien de définitif dans une discographie déjà très chargée.


On a même été surpris - et marri - d'y trouver coup sur coup une « Iphigénie en TGV », puis une Lucrezia pour enfants sages (Haendel, avec Kozenà). Si le Baroque ne messied point à Marc Minkowski, il n'a pas fait l'unanimité dans les musiques des XIX° et XX° siècles, à l'Opéra des Flandres. Soit ; il est dans Brahms le magicien des possibilités encore aujourd'hui inexplorées - on va donc les lui confier sans aucun a priori. Précisément, dès la première mesure du Concerto, la plénitude et la splendeur de son de l'Orchestre National de France happent l'oreille. Cet ensemble joue avec une précision, un synchronisme comme innés qui peuvent lui servir (et lui suffire) en fait de chef ; la Symphonie le prouvera assez. L'auditeur est également étonné par le petit braquet, le corset que ledit chef impose à la phalange : de Maestoso plus concentré en un seul point de l'espace, on n'a jamais entendu !


En fait, le mur sonore si poignant du jeune Brahms de vingt-six ans se déploie telle une petite clôture, à l'ordonnancement scolaire et prévisible. Les vents sont-ils d'une clarté aérienne ? On n'en saisit pas la nécessité. Davantage : d'un mollasson mouvement de la tête, le maître de cérémonie donne bien le coup de menton requis pour faire démarrer sa pianiste. Mais celle-ci ne l'a pas attendu ; et c'est elle, du premier au dernier accord, qui donne le la ; qui dirige Minkowski, en fait ! D'aucuns reprochent à Hélène Grimaud un son « peu dégrossi ». On préfèrera toujours cette matière à pétrir, cette glaise à la Rodin ; à la pâte à modeler, ne leur en déplaise. De la mozartienne coda du I au Scherzo diabolico, que la Française en quelque sorte danse avec les loups du torrentiel Finale : même leçon.


Le toucher de Grimaud, outre sa technique et sa virtuosité transcendantes bien connues, est une caresse déterminée, à l'opposé de toute mièvrerie - et jamais encline à accaparer le devant de la scène. L'atmosphère religieuse et recueillie du II, c'est elle. C'est d'elle encore, le stacatto extravagant du III : une villageoise, brueghélienne gigue rythmée tenue du clavier avec sobriété et maîtrise de soi. Complètelent dépassé, Marc Minkowski tente de rattraper le train par maints sauts de cabri, voire une manière de danse de saint Guy. Gigotant plus que de raison, sans le moindre sens, ni de l'architecture, ni de la péroraison - voilà un pantin à qui on aimerait dire « tchao ! ». Il y a pourtant une suite… Allez, on lui redonne une petite chance : sans la belle Hélène, peut-être trouvera-t-il ses marques seul, en cette Première Symphonie dont la genèse coûta tant d'investissement au compositeur ?!


Sans remonter à la paroi des Rocheuses élevée par un Toscanini, songeons à ce que sut faire le sanguin Antal Dorati devant tel défi. Le déferlement des timbales dans le Poco sostenuto (ce titre parle assez) est l'une des pages les plus difficiles à s'approprier de l'histoire du genre, c'est dire. Toujours soucieux, comme dans maints passages « baroqueux » reconnaissons-le, de confondre vitesse et précipitation, surtout énergie avec tapage ; le Musicien du Louvre crucifie son timbalier - on songe à l'entraînement des galériens dans Ben Hur - et assomme net son auditeur. Malgré, encore une fois, un son magnifique, qui revient de droit à un National si adulte qu'il pourrait désormais jouer sans chef : tout tourne à la démonstration déformée en étalage de décibels secs. Et pourquoi anticiper sur la « pastoralité » de la Deuxième Symphonie dans l'Andante sostenuto, quand l'intériorité d'origine se suffit bien à elle-même ?


Un poco allegretto e grazioso, précise Brahms pour le III. Il n'a pas écrit « mollesse », surtout dans le deuxième thème. Qu'importe, il Signor vacarmino soudain assagi s'épuise en grands moulinets des bras, pour faire remonter - bien en vain - un semblant de tension. Cette Terminator-Bluette atteint son son paroxysme avec le fameux motif jubilatoire du Finale, qu'on a parfois rapproché de l' « Ode à la Joie ». Une brutalité inutile, des effets de dilatation-contraction venus du baroque et totalement déplacés ici, vont achever de diluer l'hédonisme dans le narcissisme facile. Avec des pupitres de cuivres particulièrement exceptionnels, l'Orchestre National de France parvient à grand peine à suivre son Michel Jazy d'un soir : quelques inévitables décalages deviennent alors perceptibles. Les suivistes acclamations d'un Corum, comme toujours bondé, à l'adresse d'un Minkowski cabotin rapprochent encore plus cette compétition des Comices Agricoles de Madame Bovary. Entre cela et l'interminable scie de la deuxième Danse Hongroise, assénée continûment, à la vesprée, dans les rues montpelliéraines par des accordéonistes au grand cœur : il y a vraiment de quoi détester Brahms.





Jacques Duffourg

 

 

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