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Rituel du lundi Lille Opéra 01/18/2025 - et 19* janvier 2025 Karlheinz Stockhausen : Montag aus Licht (scènes des actes II et III) Iris Zerdoud (Cœur de basset, cor de basset), Claire Luquiens (Ave, flûte), Alice Caubit (Busi, cor de basset), Joséphine Besançon (Busa, cor de basset), Pia Davila (Muschi, soprano), Elise Daubié, Chloé Dufour, Coralie Hedouin (figuration)
Bianca Chillemi, Sarah Kim, Alain Muller (claviers), Akino Kamiya (percussion), Florent Derex (projection sonore), Etienne Démoulin, Aurélie Martin, Augustin Muller, Romain Vuillet (informatique musicale), Solistes du Trinity Boys Choir, Chœur de l’Orchestre de Paris, Jeune Chœur des Hauts‑de‑France, Le Balcon, Maxime Pascal (direction musicale)
Silvia Costa (mise en scène, scénographie, costumes), Nieto, Claire Pedot (vidéo), Bertrand Couderc (lumières)
(© Hervé Escario)
Le projet du Balcon de Maxime Pascal de monter les sept journées de Licht (1977‑2003) de Stockhausen se poursuit, à l’Opéra de Lille, avec le premier jour de la semaine. Un fameux défi. Notre site a eu l’occasion de rendre compte de trois autres volets de ce monument, en l’occurrence Samstag, Dienstag et Sonntag.
Cette production ne reprend que cinq scènes des deuxième et troisième actes de Montag (1988), ce qui représente tout de même deux heures, moins la pause. Le programme précise que la totalité de l’œuvre sera donnée, pour les plus motivés, durant le prochain Festival d’automne à Paris. Caractériser, et même parler, d’un tel spectacle n’est pas simple. Il s’agit, faute de trouver mieux, d’une sorte de rituel, ou de cérémonie, à plusieurs dimensions, en particulier poétique et spirituelle, et à connotation universelle, ou, si l’on préfère, cosmologique.
Montag ne comporte pas vraiment de personnage, comme au théâtre ou à l’opéra, mais plutôt des forces, pour reprendre le terme utilisé. Ces dernières sont incarnées par tous les artistes présents sur la scène, indépendamment de leur discipline, chanteurs, acteurs, instrumentistes, figurants. Elles sont au nombre de trois : Michaël, créateur du cosmos, pour résumer, Lucifer, force destructrice, toujours pour résumer, et Eve, la médiatrice, symbolisée par une femme faussement enceinte et assise en tailleur, durant tout le spectacle, au sommet d’un phare, symbole, évidemment, de la lumière.
La mise en scène de Silvia Costa, qui explique avoir respecté, en y apportant une touche personnelle, les indications du compositeur, s’attache, dans une scénographie dominée par une belle création vidéo, à tous les composants de cette journée, en l’occurrence les sons, les mots, les couleurs, le chant, la parole, la musique. C’est que plusieurs disciplines se croisent. Il suffit pour s’en rendre compte de parcourir l’effectif, multidisciplinaire, malgré l’absence d’un orchestre en bonne et due forme, compte tenu de l’utilisation de l’informatique, en ce comprise la figuration des nombreux enfants. L’enfance, plus particulièrement l’enfantement, constitue, en effet, un des axes de Montag, et ce sont, en toute logique, sept jeunes personnes qui représentent, chacune dans une couleur différente, les jours de la semaine. Mais Eve ne représente pas uniquement la mère, la procréatrice, elle incarne aussi la séductrice, la dimension sensuelle de cette mise en scène demeurant toutefois ténue, quintessenciée même.
La représentation bénéficie d’une impeccable exécution musicale, sous la direction de Maxime Pascal, invisible durant toute la représentation. Se démarque plus particulièrement la prestation extraordinaire, de précision et d’expressivité, des trois joueuses de cor de basset et de la flûtiste, plus encore que celle des choristes, tant les souffleuses dominent par leur présence, en particulier Iris Zerdoud et Claire Luquiens. N’oublions pas non plus de saluer la contribution capitale des claviéristes, placés dans une fosse quasiment vide. Cette expérience inhabituelle, déconcertante, totalement affranchie des conventions, n’évite pas les lenteurs et les longueurs. Elle paraît même, musicalement, et par moments, vraiment datée, et elle suscite, en fin de compte, plus d’intérêt, par son originalité et par sa signification, que de passion, malgré quelques passages envoûtants.
Sébastien Foucart
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