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De l’ennui à l’extase

Paris
Philharmonie
01/14/2025 -  et 16 janvier 2025 (Luxembourg)
Michael Tippett : Ritual Dances, MT18a
Mark‑Anthony Turnage : Sco
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 4, opus 58

John Scofield (guitare), Krystian Zimerman (piano)
London Symphony Orchestra, Simon Rattle (direction)


S. Rattle (© Charles d’Hérouville)


Le second concert de Sir Simon ne ressemble en rien au premier, ni par les œuvres du vingtième et du vingt‑et‑unième siècle, ni par celle du grand répertoire.


Les Danses rituelles du magnifique Mariage de la mi‑été de Tippett ne gagnent rien à leur réordonnancement en suite. Strictement intégrées à l’action, les trois premières viennent de l’acte II, la quatrième de l’acte III. L’ajout d’une introduction, d’une coda et de liaisons diverses rend l’œuvre assez ennuyeuse, même si elle garde la saveur de ses combinaisons instrumentales subtiles et de ses archaïsmes suggestifs. Chef et orchestre, pourtant, défendent brillamment la partition. Retournons à ces danses... dans leur cadre originel, où elles n’accusent pas leur âge.


Sco, hommage du britannique Mark‑Anthony Turnage à l’Américain John Scofield, icône de la guitare depuis les années 1970, partenaire de Miles Davis, dégaine de barde baba cool, déjà créateur de plusieurs de ses œuvres, ennuie bien plus encore. Dès le début, avec ses rythmes syncopés et ses percussions, son côté jazzy, s’installe une impression de déjà entendu – il est vrai que le jazz a beaucoup influencé le musicien : Milhaud, Bernstein, des compositeurs sud‑américains. D’autres passages, comme l’Aria de la quatrième des cinq parties, dégoulinent en revanche d’un lyrisme complaisant. Une liberté est laissée à l’interprète, mais n’émane de sa guitare électrique qu’une mélodie monotone. Si le concerto reflète la relation étroite entre compositeur et interprète, dont elle constitue au fond un portrait en musique, ses trente minutes semblent une éternité, quelle que soit la conviction du soliste, visiblement assez fatigué, et la maestria du chef, proche de Turnage lui aussi. Un Turnage présent parmi le public, dont on connaît des œuvres beaucoup plus attachantes – les Three Screaming Popes pour orchestre, crées par Rattle, le Dialogue, pour violon, violoncelle et orchestre, par exemple.


Tout change avec le Quatrième Concerto de Beethoven, où l’on passe de l’ennui à l’extase. L’éventail dynamique et chromatique du piano de Krystian Zimerman semble infini, celui de l’orchestre aussi, à l’effectif allégé, ce qui met le soliste et le chef à l’unisson dans un raffinement ne frisant jamais l’afféterie, tant tout reste naturel. Ils confèrent à la partition une dimension chambriste, intimiste, n’émoussant pas, toutefois, l’alacrité du final. Le pianiste polonais joue sur les pointes, fort d’une technique à toute épreuve, avec une main gauche extraordinaire. Ce Beethoven, qui peut dérouter, a la légèreté de Mozart et la clarté polyphonique de Bach : les deux partenaires restitueraient‑ils à l’œuvre sa vraie dimension ? Non que la profondeur en soit bannie : en atteste le jeu permanent entre tension et détente, notamment à travers le dialogue de l’orchestre et du piano tout au long du mouvement lent. Et le clavier, quand il le faut, déploie toute sa puissance, comme dans la cadence de l’Allegro moderato initial, où se glisse malicieusement un Happy Birthday à l’intention du chef bientôt septuagénaire. Les bis sont de la plus belle eau : magiques « Pagodes » de Debussy, où le piano se fait orchestre, prométhéen final de la Troisième Sonate de Chopin.



Didier van Moere

 

 

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