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De la vitalité et du cœur Bruxelles Bozar, Salle Henry Le Bœuf 01/11/2025 - et 9 janvier 2025 (Gent) Modeste Moussorgski : Une nuit sur le mont Chauve
Karol Szymanowski : Concerto pour violon n° 1, opus 35
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 6 « Pathétique », opus 74 Christian Tetzlaff (violon)
Antwerp Symphony Orchestra, Maxim Emelyanychev (direction)
C. Tetzlaff (© Giorgia Bertazzi)
L’Orchestre symphonique d’Anvers vient ce soir, en voisin, dans la salle Henry Le Bœuf, non avec son chef honoraire, Philippe Herreweghe, ni même avec son chef émérite, Jaap van Zweden, mais avec Maxim Emelyanychev. Egalement claveciniste, ce dernier est probablement un peu mieux connu à la tête d’Il Pomo d’Oro, une formation jouant sur des instruments d’époque. Sa direction ne laisse pas indifférent, et pas uniquement parce que ce chef n’utilise pas d’estrade. Les interprétations possèdent de la vitalité et du corps. Celle d’Une nuit sur le mont Chauve (1867), dans la version habituelle de Rimski‑Korsakov, se démarque par son allure tranchante et déterminée, bien qu’il soit possible d’oser davantage, sans préjudice pour la qualité de la mise en place et la beauté de la sonorité. L’orchestre affiche un niveau assez élevé, en particulier les bois, la clarinette, la flûte, notamment, excellents à la fin.
Le Premier Concerto pour violon (1916) de Szymanowski occupe le reste de la première partie, avec un double motif de satisfaction, en premier lieu la prestation superlative de Christian Tetzlaff. Le violoniste délivre un jeu absolument exempt du moindre reproche, conciliant finesse et intensité, précision et pureté. La cadence, avant le retour grandiose de l’orchestre, constitue une merveille de virtuosité et d’imagination. Sublimant la dimension évocatrice de cette composition enivrante, les possibilités du soliste paraissent infinies. L’orchestre se montre lui aussi excellent dans cette musique fuselée et scintillante. Le chef obtient une exécution transparente, une sonorité enveloppante, claire et aérienne, dans un équilibre solidement maintenu avec le violoniste.
Les passages extatiques suscitent même le désir d’entendre ensuite la formation dans une autre œuvre aussi exaltante que ce concerto, Le Poème de l’extase de Scriabine, par exemple, en espérant qu’un orchestre belge veuille bien exécuter d’autres œuvres tout aussi phénoménales de Szymanowski, comme Harnasie. Le 25 mars, l’Orchestre symphonique de la Radio nationale polonaise viendra au Bozar, avec, au programme, notamment, la Quatrième Symphonie et le Stabat Mater, dans le cadre de la présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne.
La Sixième Symphonie (1893) de Tchaïkovski, malheureusement applaudie entre les mouvements, même après les premier et deuxième, bien que faiblement, n’en suscite pas moins l’intérêt. La conception de l’interprétation demeure dans l’ensemble conforme aux attentes, assez cohérente, sans étrangeté ni autres bizarreries. Maxim Emelyanychev a toutefois tendance à privilégier les sentiments et l’intensité, sur la précision et la transparence, avec, dans chaque mouvement, des traits assez appuyés. L’orchestre livre une prestation vigoureuse et puissante, l’expression, incontestablement juste, prenant le dessus sur la pure beauté du son, bien que les cuivres et les bois sonnent avec tenue et sensibilité, ainsi que les cordes, d’une belle et grave densité. La troublante et bouleversante conclusion des violoncelles et contrebasses est particulièrement réussie. Le choix de la Première Symphonie « Rêves d’hiver », assez rare, au concert, finalement, aurait toutefois été vraiment plus original et pertinent, compte tenu de la météo en Belgique ces jours‑ci. Le chef prend la peine, à l’issue de cette interprétation consistante, de faire applaudir les différents pupitres, qui méritent sans conteste l’accueil chaleureux des spectateurs.
Le site de l’Orchestre symphonique d’Anvers
Sébastien Foucart
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