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Jeune chef pour jeune public Paris Philharmonie 01/09/2025 - Pierre Boulez : Initiale
Claude Debussy : Nocturnes
Francis Poulenc : Gloria
Modeste Moussorgski : Tableaux d’une exposition (orchestration Maurice Ravel) Elsa Benoit (soprano)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Richard Wilberforce (chef de chœur), Orchestre de Paris, Klaus Mäkelä (direction)
K. Mäkelä (© Mathias Benguigui)
Un concert pour les moins de 28 ans dirigé par un chef de 28 ans – pendant quelques jours encore. La Philharmonie s’est remplie, ou presque : il n’y a donc pas à désespérer du classique en France. Quant au maestro, encore trop vert pour certaines œuvres, il s’avère ici d’une étonnante maturité. On le savait brillant technicien, maître absolu de sa phalange. Mais il révèle, lors de ce premier concert de l’année, une autre dimension.
Certes Initiale de Boulez, commandée pour l’inauguration du musée de la Menil Collection de Houston, ne constitue qu’une mise en bouche cuivrée. Ses cinq minutes sont toutefois plus élaborées que les brévissimes – rarement plus d’une minute – Fanfares, for Louisville, for Lancaster ou for Los Angeles Philharmonic de Lutoslawski, dont celle for CUBE, destinée à un quintette à vents, a été créée sept mois après Initiale. Deux cors, deux trompettes, deux trombones et un tuba jouent chez Boulez une musique rappelant un peu l’esprit de Stravinsky, sans doute non dénuée d’humour, dont le chef exalte le côté jubilatoire.
Les Nocturnes de Debussy créent un contraste assez abrupt, surtout « Nuages », à la poésie allusive. Klaus Mäkelä, s’il y est d’une parfaite fluidité, répudie toute sécheresse, très suggestif, donnant à voir autant qu’à entendre. La clarté des plans n’exclut nullement la densité de la pâte, loin de tout impressionnisme vaporeux. « Fêtes » a beau briller de tout l’éclat de l’orchestre, y manquent une certaine jubilation, une certaine ébriété, la fanfare centrale n’avance pas assez. « Sirènes », en revanche, renouvelle la réussite de « Nocturnes », avec une grande souplesse rythmique, des raffinements coloristes, des femmes-poissons à la sensualité capiteuse, en rien désincarnées – il est vrai que l’effectif reste très loin des seize voix indiquées sur la partition et que l’effet de fondu s’estompe.
Le Gloria de Poulenc débute par un « Gloria » et un « Laudamus te » à la légèreté allègre et swingante, plein d’une verve rythmique un peu irrévérencieuse qu’on retrouvera dans « Domine fili unigenite », d’une exemplaire lisibilité, là où certains mettent trop d’empois. Mais le chef, quand viennent le « Domine Deus », ou le « Qui sedes » final, où passe plus d’une fois le souvenir des Carmélites, ne recule pas devant l’effusion recueillie, extatique presque, avec une superbe Elsa Benoit, en apesanteur, soprano fruité aux aigus diaphanes mais au médium impeccablement projeté. Le chœur ne répond pas moins, à l’unisson de cette direction à la fois concentrée et libérée, entre rigueur et lyrisme.
Les Tableaux d’une exposition de Moussorgski-Ravel sont à marquer d’une pierre blanche. Par la virtuosité éblouissante des musiciens, d’abord, tous pupitres confondus. Par l’interprétation du chef, ensuite. Le Finlandais, en effet, va très au‑delà de la démonstration virtuose à laquelle on réduit souvent l’orchestre de Ravel. Il sait quand il le faut, comme chez Debussy ou Poulenc, prendre son temps, s’abandonner. Il anime les tableaux, surtout, nous raconte une histoire, avec des enchaînements toujours articulés entre chaque « Promenade » et les différentes illustrations. « Il vecchio castello » est plein de mystère, « Tuileries » piaille comme les enfants, « Bydlo » se traîne péniblement, « Limoges. Le Marché » grouille de monde, une ténébreuse noirceur enveloppe « Catacombes ». Chef et orchestre ont pénétré l’essence de la partition de Moussorgski magnifiée par l’orchestre de Ravel. Superbe début d’année pour l’Orchestre de Paris.
Didier van Moere
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