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La saxophoniste qui réinvente le classique Genève Victoria Hall 11/20/2024 - et 21 (Genève), 28* (Lausanne) novembre 2024 Maurice Duruflé : Trois Danses, opus 6
John Williams : Escapades
Harrison Birtwistle : Panic,
Maurice Ravel : Boléro, pour orchestre Valentine Michaud (saxophone), Gabriel Michaud (batterie)
Orchestre de la Suisse Romande, Jonathan Nott (direction)
V. Michaud, J. Nott (© Magali Dougados)
La saxophoniste Valentine Michaud est l’artiste en résidence de la saison 2024‑2025 de l’Orchestre de la Suisse Romande (OSR), une excellente occasion pour les mélomanes de découvrir un instrument qui est peu souvent mis à l’honneur dans les concerts classiques. Née en France, l’artiste a étudié à la Haute Ecole de musique de Lausanne, où elle réside actuellement, et a été la première saxophoniste à se produire en soliste avec l’Orchestre philharmonique de Vienne. Sous le titre « Saxo et Boléro », Valentine Michaud et l’OSR ont présenté un moment phare de leur collaboration, un programme particulièrement original et captivant, avec comme pièce maîtresse Panic, dithyrambe pour saxophone alto, batterie, vents, cuivres et percussions, une œuvre des plus spectaculaires et intrigantes du compositeur anglais Harrison Birtwistle. Créée aux Proms de Londres en 1995, la partition s’inspire de la mythologie grecque et décrit l’effroi ressenti par les animaux au son de la musique de Pan, dieu des bergers et des troupeaux, qui est représenté ici par le saxophone et qui va semer la panique avec son apparence mi humaine, mi animale. Harrison Birtwistle (1934‑2022) a composé une musique « brute de décoffrage », une musique violente et sauvage, mais très rythmique à la fois. A la création, la presse n’avait pas hésité à tirer à boulets rouges sur lui, qualifiant son ouvrage de « chaotique ». L’orchestre est disposé en arrière‑scène alors que le centre du plateau est occupé par deux estrades avec chacune une percussion. C’est le jeune frère de Valentine Michaud, Gabriel, qui passera de l’une à l’autre pendant la durée de l’ouvrage. Les deux solistes portent de splendides masques bariolés qui leur donnent un air mystérieux et étrange pour mieux incarner Pan ; ils donnent vie avec beaucoup d’énergie, de virtuosité et de conviction à cette musique coup de poing.
Auparavant, Valentine Michaud et son frère Gabriel ont fait entendre Escapades, une œuvre tirée de la bande-son que John Williams a composée pour le film Catch Me If You Can (2002, en français Arrête‑moi si tu peux) de Steven Spielberg, avec à l’affiche rien moins que Leonardo Di Caprio, Tom Hanks ou encore Nathalie Baye. Dans « Closing in », le saxophone alto, aux sons graves et chauds, dialogue avec le marimba, alors que les claquements de doigts des musiciens donnent une tonalité résolument jazzy à cette première partie. Dans « Reflections », on admire surtout le long pianissimo final du saxophone, presque impalpable, alors que « Joy Ride » évoque une course-poursuite débridée.
Le chef Jonathan Nott a eu l’excellente idée d’ouvrir le concert avec les Trois Danses pour orchestre de Duruflé, une bien belle façon de montrer aux mélomanes que la production du compositeur ne se limite pas à son Requiem. L’ouvrage n’est pas sans rappeler Daphnis et Chloé par sa texture diaphane et sa variété de couleurs ; quoi qu’il en soit, une jolie découverte ! La soirée s’est terminée en apothéose avec le célébrissime Boléro de Ravel. L’OSR a impressionné par sa pulsation précise et le splendide crescendo qui a conduit à l’apothéose finale, sous les ovations d’un public conquis. En bis, Jonathan Nott et les musiciens ont entonné Joyeux anniversaire pour rappeler que le troisième et dernier concert de ce programme, donné au Théâtre de Beaulieu de Lausanne, marquait le soixantième anniversaire de cette salle de 1 600 places, inaugurée le 19 novembre 1954 avec un concert de l’OSR placé alors sous la direction d’Ernest Ansermet et avec Clara Haskil comme soliste.
Claudio Poloni
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