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Retour au bercail

Paris
Théâtre du Châtelet
11/20/2024 -  et 21, 22*, 23, 24, 26, 27, 28, 29, 30 novembre, 1er, 3, 4, 5, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 25, 26, 27, 28, 29, 31 décembre 2024, 1er, 2 janvier 2025
Claude-Michel Schönberg : Les Misérables (orchestrations Stephen Metcalfe, Christopher Jahnke et Stephen Brooker, orchestrations originales John Cameron)
Benoît Rameau (Jean Valjean), Sébastien Duchange (Javert), Claire Pérot (Fantine), David Alexis (Thénardier), Christine Bonnard (Mme Thénardier), Juliette Artigala (Cosette), Jacques Preiss (Marius), Océane Demontis (Eponine), Stanley Kassa (Enjolras), Maxime de Toledo (L’évêque de Digne), Membres de la Maîtrise des Hauts‑de‑Seine (Gavroche, Cosette enfant, Eponine enfant)
Orchestre du Théâtre du Châtelet, Alexandra Cravero*/Charlotte Gauthier (direction musicale)
Ladislas Chollat (mise en scène), Emmanuelle Roy (décors), Jean‑Daniel Vuillermoz (costumes), CUTBACK (vidéo), Alban Sauvé (lumières), Romain Rachline Borgeaud (chorégraphie), UNISSON DESIGN (son)


(© Thomas Amouroux)


Longue histoire que celle du musical ou plutôt de la comédie musicale Les Misérables, née à Paris comme le roman éponyme de Victor Hugo, de retour au bercail après plus de vingt ans de succès en langue anglaise dans le monde entier. Pas aussi longue cependant que le chef‑d’œuvre hugolien qu’adaptèrent en 1980 Alain Boublil et Claude‑Michel Schönberg pour un spectacle signé Robert Hossein au Palais des Sports. Sans le succès escompté, cette comédie musicale faillit en rester là. Mais elle attira l’attention et surtout le flair du producteur britannique Cameron Mackintosh, qui avait déjà quelques hits du musical à son tableau de chasse, (entre autres) les emblématiques Cats, Mary Poppins, Le Fantôme de l’Opéra, Oliver! et Miss Saigon. Il en fit réaliser une version anglaise par Herbert Kretzmer, jouée au départ par des membres de la Royal Shakespeare Company, qui, phénomène unique, n’a jamais quitté l’affiche et fait salle pleine à Londres depuis 1984 et qui, ayant été traduite en vingt‑deux langues et présentée dans plus de quatre cents villes de cinquante‑trois pays, adaptée au cinéma en un film polyoscarisé, avec une distribution hollywoodienne, fait, sous le surnom « Les Miz », l’objet d’un culte planétaire.


Après beaucoup de pourparlers, le célèbre producteur britannique a consenti à ce qu’une nouvelle version française soit établie pour une production parisienne nouvelle réalisée par Ladislas Chollat, afin de voir si la malédiction qui semblait planer sur la version originale allait enfin être conjurée. Les coproducteurs français ne remercieront probablement jamais assez l’effet booster qu’a eu sur le spectacle (alors à peine en répétition) la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques de Paris en juillet dernier, qui en a montré « A la volonté du peuple », extrait célèbre dans le monde entier. La location a été prise d’assaut et le spectacle, qui restera à l’affiche jusqu’au tout début de l’année, quoiqu’avec un sujet peu festif, sera certainement le best‑seller parisien pour les fêtes de fin d’année.


Et il le mérite amplement si l’on en juge par l’accueil triomphal que lui a réservé le public des premières représentations. Tout est à un niveau qui, sans être équivalent en termes de professionnalisme, à celui du West End londonien ou du Broadway new‑yorkais, les deux Mecque mondiales du musical, est très honorable et en fait un vrai spectacle populaire, idéal pour tous publics et à qui semble promis une belle carrière.


Visuellement, tout est soigné et fonctionne parfaitement, autant les décors en toiles dessinées à l’encre inspirées de gravures de Gustave Doré agrémentées de discrètes vidéos, que les éléments très rapidement amovibles qui permettent aux scènes du drame de se succéder sans temps morts. Les costumes sont d’un réalisme qui va jusqu’à la patine des tissus, comme le montre une belle exposition dans les coursives du théâtre. Les éclairages créent autant d’atmosphères qu’il y a de tableaux. La direction d’acteurs et la chorégraphie sont, à ce stade du spectacle, parfois un peu hésitantes mais tout se peaufinera sans mal avec son rodage.


Musicalement – commençons par un reproche – les voix sont trop sonorisées, les privant souvent de naturel et l’Orchestre du Théâtre du Châtelet, dirigé avec beaucoup de finesse et d’énergie quand nécessaire par Alexandra Cravero, joue un peu trop fort, bien que placé derrière la scène. Mais la distribution est excellente, bien équilibrée, avec des chanteurs venus d’horizons vocaux différents. Ce sont bien sûr Jean Valjean (Benoît Rameau) et Javert (Sébastien Duchange) qui dominent vocalement et les Thénardier (David Alexis et Christiane Bonnard), malgré leur caractère un peu trop bouffon et quelques répliques d’un goût un peu douteux, qui l’emportent à l’audimat. Mais les héroïnes féminines du drame avec des voix plus authentiquement timbrées musical sont aussi excellentes, très lyriques et émouvantes : Fantine de Claire Pérot, Cosette de Juliette Artigala et surtout l’Eponine d’Océane Demontis. Les enfants alternant dans leurs rôles sont tous membres de la Maîtrise des Hauts‑de‑Seine et confondants de naturel vocal. On n’oublie pas Marius (Jacques Preiss) et surtout le révolutionnaire Enjolras (Stanley Kassa, un ancien du Roi Lion à Mogador), tous deux avec une grande expérience du musical.


Les trois heures que durent ce spectacle s’écoulent comme un songe et font passer délicieusement le spectateur par toute une gamme d’émotions.



Olivier Brunel

 

 

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