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Un bijou oublié à l’Opéra de Lausanne

Lausanne
Opéra
11/17/2024 -  et 19*, 22, 24 novembre 2024
André Messager : Fortunio
Pierre Derhet (Fortunio), Sandrine Buendia (Jacqueline), Marc Barrard (Maître André), Christophe Gay (Clavaroche), Philippe-Nicolas Martin (Landry), Jean Miannay (Lieutenant d’Azincourt), Benoît Capt (Lieutenant de Verbois), Céline Soudain (Madelon), Warren Kempf (Maître Subtil), Geoffroy Buffière (Guillaume), Anouk Molendijk (Gertrude), Baptiste Bonfante, Ambroise Divaret, Mathilde Louvat, Elise Milliet, Orana Ripaux (Cinq bourgeois), Laurent Podalydès (comédien)
Chœur de l’Opéra de Lausanne, Anass Ismat (préparation), Sinfonietta de Lausanne, Marc Leroy-Calatayud (direction musicale)
Denis Podalydès (mise en scène), Laurent Delvert (reprise de la mise en scène), Eric Ruf (décors), Christian Lacroix (costumes), Stéphanie Daniel (lumières), Denis Foucart (reprise des lumières)


(© Carole Parodi/Opéra de Lausanne)


L’Opéra de Lausanne a eu l’excellente idée d’accueillir, pour quatre représentations, le très rare Fortunio d’André Messager, dans une production conçue en décembre 2009 par Denis Podalydès pour l’Opéra-Comique (ce fut le premier ouvrage lyrique mis en scène par le célèbre comédien) puis reprise en décembre 2019. Le spectacle ayant déjà été largement commenté ici, on se bornera à ajouter que, quinze ans plus tard, il n’a rien perdu de sa subtilité et de sa finesse. On est certes en plein vaudeville, avec comme de bien entendu un vieux mari cocu et un amant caché dans un placard de la chambre à coucher, mais on ne voit aucun effet vulgaire ici, la soirée ne vire jamais à la farce, on reste constamment dans un équilibre parfait entre légèreté et tragique, avec beaucoup d’ironie et d’ambiguïté, dans les décors au réalisme stylisé d’Eric Ruf et les beaux costumes de Christian Lacroix. Une mise en scène parfaitement au diapason de la musique raffinée et mélancolique de Messager, rendue avec tact et brio par le jeune chef Marc Leroy‑Calatayud, qui sait trouver, lui aussi, le juste équilibre entre délicatesse et épanchements lyriques ; un nom à suivre, au demeurant.


La distribution réunie à Lausanne est parfaitement homogène et de très haut niveau. Elle est emmenée par le splendide Fortunio de Pierre Derhet, qui n’a aucune peine à faire croire à son personnage d’amoureux perdu dans ses rêves, d’idéaliste absolu qui semble n’avoir pas sa place ici, avec son timbre chaleureux, son phrasé élégant et sa diction parfaite. Malgré une voix à la puissance limitée, Sandrine Buendia séduit par sa composition d’une Jacqueline vive et fraîche, mais des plus ambiguës aussi, tiraillée entre son envie d’être légère et volage et de trouver le grand amour, tout en cocufiant allégrement son mari. Un mari incarné par un Marc Barrard aux qualités d’acteur évidentes. On n’oubliera pas non plus le Clavaroche suffisant et envahissant de Christophe Gay, à la belle prestance et au timbre éclatant. Les rôles secondaires, tous excellents, montrent à quel point cette distribution a été composée avec soin. Le public lausannois a réservé un accueil enthousiaste à tous les participants au spectacle. Un seul bémol : quelques fauteuils vides dans la salle ; dommage car la musique de Messager et la production de Denis Podalydès méritent de faire le plein.



Claudio Poloni

 

 

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