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« In Turchia 91 » Istanbul Centre culturel Atatürk 11/14/2024 - et 20 novembre, 7, 11 décembre 2024 Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527 Zafer Erdas (Don Giovanni), N.Isık Belen (Leporello), Gülbin Günay (Donna Anna), Sebnem Agrıdag Kıslalı (Donna Elvira), Berk Dalkılıc (Don Ottavio), Aslı Ayan (Zerlina), Alp Köksal (Masetto), Umut Tingür (Il Commendatore)
Istanbul Devlet Opera ve Balesi Korosu, Volkan Akkoc (préparation), Istanbul Devlet Opera ve Balesi Orkestra, Ibrahim Yazıcı (direction musicale)
Aytac Manizade (mise en scène), Efter Tunc (décors), Serdar Basbug (costumes), Kemal Yigitcan (lumières), Alper Marangoz (mouvements)
(© IDOB)
Mégalopole de plus de 15 millions d’habitants, pôle économique et culturel de la Turquie, Istanbul compte plusieurs salles de concert. Une des plus importantes est celle du Centre culturel Atatürk, sur la place Taksim, le cœur névralgique de la ville. Le complexe est tout récent puisqu’il a été inauguré en 2021 ; il comprend aussi une salle de théâtre, un cinéma, un centre d’exposition, une bibliothèque, un musée, une galerie d’art ainsi que des cafés et des restaurants. Depuis l’extérieur, l’immense façade de verre et de métal, entourée d’un immense cadre de béton, laisse apparaître une majestueuse sphère rouge, composée de 15 000 pièces de céramique. Ce dôme abrite une magnifique salle de 2 054 fauteuils rouges dans laquelle ont lieu les représentations de l’Opéra et du Ballet d’Etat d’Istanbul ainsi que les concerts de l’Orchestre symphonique d’Etat d’Istanbul. Le Centre culturel Atatürk et sa salle de concert sont désormais un incontournable de toute visite d’Istanbul, au même titre que la Mosquée bleue, Sainte‑Sophie, le palais de Topkapi ou encore la Citerne Basilique.
L’Opéra d’Etat d’Istanbul présente un Don Giovanni qui a la particularité d’afficher une distribution entièrement turque, ce qui en dit long sur la vitalité et la bonne santé du chant lyrique dans le pays, quand bien même le plateau vocal réuni est assez disparate. Il est emmené par le superbe Leporello de N.Isık Belen, à la diction parfaite, à la voix parfaitement homogène et au phrasé impeccable. Le contraste est on ne peut plus saisissant avec le Don Giovanni de Zafer Erdas, à l’italien incompréhensible et à l’émission rauque et gutturale, mais l’interprète compense habilement ces faiblesses par un art consommé du théâtre. Gülbin Günay est une Donna Anna à la voix claire et lumineuse, malgré quelques soucis d’intonation, notamment dans l’aigu. Sebnem Agrıdag Kıslalı impressionne en Donna Elvira à la forte présence scénique et aux accents véhéments, notamment dans le « Mi tradì » ; au rideau final, c’est elle qui recueille les applaudissements les plus nourris. Tenorino aux moyens vocaux limités, Berk Dalkılıc doit constamment forcer sa voix en Don Ottavio, quand bien même l’instrument n’est pas désagréable. Aslı Ayan est une Zerlina espiègle et qui sait ce qu’elle veut alors que le Masetto d’Alp Köksal est méfiant et constamment sur ses gardes. Le Commandeur a la voix grave et profonde d’Umut Tingür.
L’intrigue se déroule sur un plateau tournant composé de deux éléments : le premier représente un salon moderne avec quelques chaises éparpillées, alors que le second figure l’envers du décor, constitué d’une sorte d’échafaudage. Un immense taureau rouge attire tous les regards ; le symbole (sexuel ?) sera repris tout au long du spectacle par un figurant coiffé de deux cornes énormes. Pour le reste, la mise en scène est plutôt statique et se borne à raconter l’histoire. On signalera néanmoins les superbes éclairages de Kemal Yigitcan. Des surtitres en turc et en anglais aident les spectateurs à suivre l’action. Des murmures se font entendre dans la salle à l’évocation de la Turquie durant l’« air du catalogue »... 91 conquêtes, tout de même ! Le chef Ibrahim Yazıcı tient bien en main l’Orchestre de l’Opéra d’Etat d’Istanbul et est très attentif aux chanteurs. Ses tempi passablement étirés, dès l’Ouverture, rendent sa lecture précise et efficace, à défaut d’être exaltante. Au terme de la représentation, chanteurs et chef sont chaleureusement applaudis par une salle pratiquement pleine. Encore un signe que l’opéra est un art qui semble bien se porter à Istanbul !
Claudio Poloni
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