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Lise Davidsen dans sa première Isolde München Isarphilharmonie 11/01/2024 - et 3* novembre 2024 Richard Wagner : Tristan et Isolde (Acte II) Lise Davidsen (Isolde), Stuart Skelton (Tristan), Karen Cargill (Brangäne), Christof Fischesser (Le Roi Marke), Sean Michael Plumb (Melot)
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Sir Simon Rattle (drection) L. Davidsen, S. Skelton (© Bayerischer Rundfunk/Astrid Ackermann)
Voici une soirée avec à la fois des superbes prestations d’immenses musiciens et quelques éléments un peu frustrants.
Sir Simon Rattle avait expliqué lors de la conférence de presse de présentation de cette saison que c’était Lise Davidsen qui avait suggéré qu’elle fasse ses débuts dans le rôle d’Isolde pour ce deuxième acte. Comment effectivement ne pas sauter sur une telle occasion ? Et il est rapidement clair que la soprano norvégienne a la dimension du rôle et va être la future très grande Isolde de sa génération. La voix est grande mais parfaitement concentrée. Les deux duos avec Brangäne sont impressionnants, la ligne est là et elle apporte une réelle compréhension du texte. On ne sent à aucun moment que la chanteuse force et perde couleur ou cantabile.
L’orchestre de son côté est éclatant avec des cordes luxuriantes et des bois, si importants dans cet acte, remarquables. Sir Simon Rattle, qui a souvent dirigé l’œuvre que ce soit à New York, Baden‑Baden ou Aix, montre la connaissance qu’il a de la partition orchestrale, attentif à faire ressortir une quantité de détails. L’orchestre est simplement flamboyant. Comme toujours, les solistes sont remarquables. Carsten Duffin est souverain dans sa partie au cor, Magdalena Hoffmann nous fait réaliser à quel point Wagner a fabuleusement écrit pour la harpe et il semblerait que l’orchestre ait en Konstanze von Gutzeit une candidate de premier plan pour le premier pupitre des violoncelles.
Mais à plusieurs reprises, on se demande si la communication entre orchestre et chanteurs a complétement lieu. Ces derniers sont placés en deux groupes de part et d’autre de la scène et non pas au centre. L’orchestre n’est pas dans une fosse d’opéra et est terriblement puissant, couvrant bien trop souvent les chanteurs. Il faut attendre le duo « O sink hernieder, Nacht der Liebe » pour que l’on retrouve un certain confort d’écoute et un équilibre qui ne soit pas systématiquement au détriment des chanteurs, ressenti que l’on n’avait pas eu quand Rattle avec dans cette même salle dirigé Siegfried en version de concert.
Partenaire régulier de Rattle, Stuart Skelton met un bon moment à trouver ses marques. Il faut attendre les derniers échanges avec le Roi Marke, qui sont plus réussis. Christof Fischesser, remplaçant Franz‑Josef Selig souffrant, est un superbe Roi Marke aux couleurs sombres, très émouvant et donnant une leçon de technique sur l’alternance de voix de tête et voix de poitrine. Les appels de Brangäne de Karen Cargill sont un rare moment où il y a plus d’équilibre et de communication entre orchestre et chanteuse et le résultat est sublime.
Munich peut se féliciter d’avoir eu l’occasion d’entendre la première Isolde de Lise Davidsen. Et ce sera en 2026 à New York qu’elle donnera au Met l’opéra intégral sur scène.
Antoine Lévy-Leboyer
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