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Les dieux ne sont plus ce qu’ils étaient

München
NationalTheater
10/27/2024 -  et 31* octobre, 3, 8, 10 novembre 2024, 28, 31 juillet 2025
Richard Wagner : Das Rheingold
Nicholas Brownlee (Wotan), Milan Siljanov (Donner), Ian Koziara (Froh), Sean Panikkar (Loge), Markus Brück*/Martin Winkler (Alberich), Matthias Klink (Mime), Matthew Rose (Fasolt), Timo Riihonen (Fafner), Ekaterina Gubanova (Fricka), Mirjam Mesak (Freia), Wiebke Lehmkuhl (Erda), Sarah Brady (Woglinde), Verity Wingate (Wellgunde), Yajie Zhang (Flosshilde)
Bayerisches Staatsorchester, Vladimir Jurowski (direction musicale)
Tobias Kratzer (mise en scène), Matthias Piro (assistant à la mise en scène), Rainer Sellmaier (décor, costumes), Michael Bauer (lumières), Michael Bauer, Jonas Dahl, Janic Bebi (vidéo), Bettina Bartz, Olaf Roth (dramaturgie)


(© Wilfried Hoesl)


Ambiance des grands soirs hier avec une salle pleine à craquer et un public international discutant des mérites des représentations du Ring à Zurich, Milan, Berlin et des précédentes productions du Ring dans ce même théâtre, avant même que ne démarre l’opéra. C’est à Munich probablement que la musique de Wagner compte, plus encore qu’à Bayreuth.


Nous ne verrons cette saison que le Prologue de ce Ring : les trois journées suivantes ne seront montées que la saison suivante. Mais le ton est donné par ce fascinant Or du Rhin donné par le même tandem formé de Vladimir Jurowski et Tobias Kratzer. Comme pour La Passagèrede Weinberg donnée la saison passée par la même équipe, on retrouve une conception originale exécutée avec beaucoup de soin et de métier et une harmonie entre la conception dramatique scénique et la conception musicale.


Les Dieux de cet Or du Rhin sont ici bien fatigués, matérialistes, immatures et incertains. Alberich est présenté comme un apôtre du nihilisme taguant l’aphorisme de Nietzsche « Dieu est mort » sur le devant de la cathédrale de Cologne. Il est bien faible devant les Filles du Rhin, méprisé par les Dieux et humilié dans une scène d’une violence assez frappante lorsque revenant vaincu de Nibelheim, il délivre son imprécation dans le plus simple appareil.


Mais Kratzer sait également trouver des contrepoints d’humour inattendus et efficaces. Il ne faut pas les dévoiler pour que le spectateur ait le plaisir de la surprise mais sachez que le voyage vers et depuis de Nibelheim ne se passe pas du tout comme on pourrait s’y attendre et que les Filles du Rhin se transforment de façon vraiment inattendue et réjouissante. (Et de même, je ne veux pas raconter ce qui se passe lors de l’apparition assez magique d’Erda mais il y a une superbe idée qui colle si bien avec l’histoire et la musique.)


Il y a beaucoup de « conversations » dans L’Or du Rhin et de nombreux échanges avec tous les personnages. La direction d’acteur est subtile et l’action est d’une grande lisibilité avec une Fricka subtilement manipulatrice, Fasolt et Fafner en costumes cléricaux obséquieux et dangereux à la fois et tant d’autres éléments subtils.


Il y a peut-être quelques bémols. La scène est assez sombre et certains importants détails peuvent ne pas bien être vus. Le personnage si important de Loge est le seul à ne pas être aussi caractérisé que les autres (et fallait‑il le faire fumer comme un pompier ?). Mais surtout, la scène de Nibelheim manque de grandeur. Elle se passe dans un hangar où Alberich et Mime entassent billets de banque et armes automatiques. Certes, Alberich est le seul humain mais le pouvoir qu’il a par l’anneau et le renoncement à l’amour devraient être plus fort. Ceci est un peu trivialisé.


Dans la fosse, Vladimir Jurowski surprend dans un répertoire dans lequel on ne le connaissait pas encore. Certes il a montré sa proximité avec la musique de Prokofiev ou Chostakovitch mais un peu moins avec celle de Mozart. Sa direction est lisible et sans hâte exagérée. L’orchestre, tout en sachant trouver une grande dynamique, est attentif à ne pas couvrir les chanteurs, nous rappelant qu’il avait fait de même dans La Chauve‑Souris. Mais surtout, il y a un travail réel de caractérisation et une attention particulière aux bois qui fait découvrir de nombreux détails dans une partition que l’on pensait bien connaître. Voici un Wagner profondément surprenant, très convaincant et assez moderne.


De nombreux chanteurs faisaient une prise de rôle dans cette production. Si vous aimez la musique de Wagner et n’avez pas eu l’occasion d’entendre Nicholas Brownlee, croyez‑moi, vous aurez beaucoup d’occasions de l’apprécier. Voici probablement le prochain grand baryton wagnérien de notre génération. La voix est puissante, avec une belle ligne et un excellent allemand. C’est une révélation. Sean Panikkar a la dimension vocale que demande Loge. Il a juste peut‑être moins vécu avec ce rôle et sans nul doute approfondira par la suite le texte. Markus Brück manque un peu de puissance dans le rôle si difficile d’Alberich mais il le compense par une prestation théâtrale impressionnante. Wiebke Lehmkuhl est une grande Erda et son intervention est magique. Le reste de la distribution est, nous sommes à Munich, globalement de grande qualité.


Voici en fin de compte une soirée de grande qualité qui annonce un Ring passionnant que l’on attend avec impatience. Wagnériens de tous pays, il faudra très probablement tous se retrouver saison prochaine à Munich.



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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