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Le régiment au répertoire

Paris
Opéra Bastille
10/17/2024 -  et 23, 26, 30 octobre, 1er, 4, 6, 8, 11, 13, 16, 20 novembre 2024
Gaetano Donizetti : La Fille du régiment
Julie Fuchs (Marie), Lawrence Brownlee (Tonio), Lionel Lhote (Sulpice), Susan Graham (La Marquise de Berkenfield), Florent Mbia (Hortensius), Felicity Lott (La Duchesse de Crakentorp), Cyril Lovighi (Un paysan), Mikhail Silantev (Un caporal)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Ching‑Lien Wu (cheffe des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris Evelino Pidò (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène, costumes) Chantal Thomas (décors), Joël Adam (lumières), Laura Scozzi (chorégraphie), Agathe Mélinand (dramaturgie, adaptation des dialogues)


J. Fuchs (© Elisa Haberer/Opéra national de Paris)


Dix-sept ans après son inauguration à Covent Garden, douze ans après sa présentation à Bastille, cette Fille du régiment « Grande Guerre » tient‑elle encore le coup ? Oui. Certes, on n’apprécie toujours pas que Laurent Pelly, au premier acte, fasse de Marie un garçon manqué hystérique. Il aurait d’ailleurs pu infléchir sa conception d’un personnage conçu à l’époque pour Natalie Dessay – mais Julie Fuchs paraît s’y plier volontiers. Le spectacle n’en convainc et n’en amuse pas moins par sa verve pétillante, sa direction d’acteurs au cordeau, son oscillation entre opéra‑comique et comédie musicale. Il faut malheureusement souffrir encore les « nouveaux dialogues » d’Agathe Mélinand, actualisation racoleuse du texte original, parfois inutilement rallongé ou biaisé. Ainsi entend‑on la Duchesse expliquer en ces termes l’absence de son neveu, auquel on veut marier une Marie qu’il ne s’agit plus de rendre « plus docile » mais « plus féminine » : « Il a des obligations post‑olympiques. Post Paralympic obligations, je vous l’ai déjà dit. »


Vocalement, Julie Fuchs ne manque pas d’atouts. A commencer par une voix charnue, au médium bien projeté pour un rôle pas suraigu à l’origine. Ce sont certains sopranos qui l’ont perché plus haut, avant même l’inégalée Joan Sutherland, tradition désormais établie que la Française suit, même si les notes les plus hautes, surtout à partir du contre‑ut, paraissent parfois un peu contraintes. Elle n’en sacrifie pas pour autant le modelé de la ligne, notamment dans la célèbre Romance « Il faut partir », rendue à sa nostalgie douce‑amère, une dimension du personnage parfois négligée. On regrettera seulement un chant assez monochrome, qu’on souhaiterait plus subtilement coloré. De même, Lawrence Brownlee, timbre un rien nasal, brûle les planches et les notes, avec d’insolents contre‑ut à revendre quand vient « Pour mon âme, quel destin ». Lui lorgne davantage vers le Donizetti italien, dont il est familier. Il pourrait cependant mettre plus de grâce dans sa Romance « Pour me rapprocher de Marie », où il monte jusqu’à l’ut dièse – ce qui la rapproche de celle du Fernand de La Favorite. Passé la tension de la première, nul doute que le couple se libérera et s’affinera. Il est en tout cas bien entouré. Remercions le Sulpice de Lionel Lhote de ne pas confondre truculence et caricature. Et saluons la classe des irrésistibles dames, deux grandes d’hier, Felicity Lott en Duchesse, qui n’a qu’à paraître pour imposer une présence, Susan Graham en Marquise, voix trouée mais encore tenue, qui crée elle aussi un personnage, drôle ou émouvant. Fidèle à lui‑même, Evelino Pidò : alerte, précis, carré. Une bonne soirée de répertoire.



Didier van Moere

 

 

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