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Un Tchèque et deux, enfin trois, Polonais München Herkulessaal 10/17/2024 - et 18 octobre 2024 Leos Janácek : Osud : Suite (arr. Frantisek Jílek)
Henri Wieniawski : Concerto pour violon n° 2, opus 22
Witold Lutoslawski : Concerto pour orchestre Joshua Bell (violon)
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Jakub Hrůsa (direction) J. Bell, J. Hrůsa (© Astrid Ackermann)
Osud (« Le Destin ») est un des opéras les moins joués de Janácek. Il s’agit d’une œuvre de jeunesse qui n’a été donnée qu’après la disparition du compositeur et dont le livret est considéré comme assez faible. La suite qu’en a tirée Frantisek Jílek est une découverte. Elle déborde d’énergie avec une belle utilisation de danses tchèques et les couleurs orchestrales si typiques de ce compositeur. Jakub Hrůsa, qui a dirigé en 2022 à Salzbourg une Kát’a Kabanová d’anthologie, est dans son élément. Les équilibres sont réalisés avec soin, la dynamique est large avec de superbes tutti. En bon chef d’opéra, Hrůsa sait qu’il ne s’agit pas de musique pure et raconte une histoire. On ressort de cette superbe exécution curieux de pouvoir entendre l’opéra sur scène dans son intégralité.
Après une musique aussi forte, le Second Concerto pour violon de Wieniawski paraît un peu désuet. Certes, le compositeur polonais sait exploiter les capacités du violon, mais l’œuvre manque de développements. Elle n’est pas désagréable à l’oreille, mais elle reste un peu conventionnelle. Joshua Bell joue avec une certaine élégance et impressionne le public par sa virtuosité, mais sa sonorité reste un peu mince par rapport à ce à quoi certains violonistes locaux nous ont habitués. Jakub Hrůsa anime la partition avec de subtils légers accelerandos et à la flûte, Henrik Wiese a de belles interventions mais il est un peu difficile de jouer une telle œuvre après cette suite de Janácek qui a tant de personnalité. Les musiciens donnent en bis une transcription un peu sentimentale d’un Nocturne de Chopin après que Joshua Bell a annoncé avec malice une œuvre d’un autre compositeur polonais...
C’est une œuvre bien plus forte qui est donnée en seconde partie. Le Concerto pour orchestre de Lutoslawski est une pièce originale, magnifiquement orchestrée et d’une difficulté immense pour les musiciens et le chef. Si le premier mouvement (Intrada) a un rythme ternaire assez stable, les deux suivants demandent beaucoup de précision et une attention de tous les instants. Le détaché des cordes jouant pianissimo dans le deuxième mouvement (Capriccio) est réalisé avec beaucoup de soin. Très présent, Jakub Hrůsa est particulièrement attentif à l’architecture de cette pièce qui se révèle du niveau des meilleures pièces de Stravinsky. Les tutti sont superbes et la tension ne baisse pas même si, fait rare pour cet orchestre, on ressent une certaine fatigue des musiciens, assez compréhensible, vers la fin de la pièce.
Jakub Hrůsa sera le directeur musical de l’Opéra de Covent Garden à Londres à partir de la prochaine saison mais dans l’immédiat, profitez de ses apparitions avant qu’il ne se fasse trop rare.
Antoine Lévy-Leboyer
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