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En plein dans le mille

Lausanne
Opéra
10/06/2024 -  et 8, 11, 13, 15* octobre 2024
Gioachino Rossini : Guillaume Tell
Jean-Sébastien Bou (Guillaume Tell), Olga Kulchynska (Mathilde), Julien Dran (Arnold), Elisabeth Boudreault (Jemmy), Géraldine Chauvet (Hedwige), Frédéric Caton (Melchtal, Walter Fürst), Luigi De Donato (Gessler), Sahy Ratia (Ruodi, Un pêcheur), Jean Miannay (Rodolphe), Marc Scoffoni (Leuthold), Warren Kempf (Un chasseur)
Chœur de l’Opéra de Lausanne, Alessandro Zuppardo (préparation), Orchestre de Chambre de Lausanne, Francesco Lanzillotta (direction musicale)
Bruno Ravella (mise en scène), Alex Eales (décors), Sussie Juhlin‑Wallén (costumes), Christopher Ash (lumières), Carmine De Amicis (chorégraphie et assistant à la mise en scène)


(© Carole Parodi/Opéra de Lausanne)

Il a osé et a gagné son pari haut la main. Claude Cortese, nouveau directeur de l’Opéra de Lausanne, a choisi de commencer son mandat avec Guillaume Tell. On peut y voir un clin d’œil malicieux d’un Français envers la Suisse, mais c’est surtout un coup audacieux compte tenu des dimensions modestes de la salle lausannoise, dans laquelle le chef‑d’œuvre de Rossini n’avait d’ailleurs encore jamais été représenté. Et programmer d’emblée un ouvrage aussi monumental, c’est aussi pour le directeur un bon moyen de tester les forces de sa nouvelle maison. Le chœur, par exemple, qui joue un rôle central dans l’œuvre, voire qui en est le personnage principal. Préparé ici par Alessandro Zuppardo, il se révèle excellent à tous les points de vue : homogène, équilibré, précis et engagé, avec une diction claire, il est l’atout incontestable de ce spectacle d’ouverture de saison. Partenaire régulier de l’Opéra, l’Orchestre de Chambre de Lausanne affiche, lui aussi, une forme resplendissante. Le ton est donné dès les premières notes : le chef Francesco Lanzillotta empoigne la célèbre Ouverture de manière particulièrement leste et rapide, mettant quelque fois en difficulté la flûte et le violoncelle, pourtant excellents au demeurant. Le son est brillant, les attaques précises et les contrastes marqués ; le maestro privilégie l’intensité dramatique, si bien qu’on ne s’ennuie pas une seule seconde pendant les quatre heures que dure le spectacle. On assiste à un Guillaume Tell intégral ou presque, seules les scènes de ballet ayant été coupées, ainsi que quelques reprises musicales. Par bonheur, des airs qui passent souvent à la trappe ont été ajoutés (par exemple celui d’Edwige, de Jemmy et aussi un trio des femmes). Et, détail qui a son importance dans une salle aussi intimiste que celle de Lausanne, qui compte moins de 1 000 places : le volume orchestral est parfaitement maîtrisé, si bien que les chanteurs ne sont jamais couverts et que le public n’a pas l’impression que le son arrive à saturation.


La distribution vocale mérite tous les éloges, d’autant que pratiquement tous les solistes font leur prise de rôle. Tell pétri d’humanité, au chant puissant et expressif, Jean‑Sébastien Bou séduit aussi par son sens du phrasé et son superbe legato, sans parler de sa diction parfaite. Julien Dran affronte avec vaillance et panache le rôle d’Arnold, meurtrier s’il en est. Le chant est ardent est passionné, les aigus rayonnants et les vocalises bien assurées. Les accents de « Ah Mathilde, je t’aime et je t’adore » à l’acte I sont irrésistibles, avec une musicalité hors pair et une intonation jamais prise en défaut. Le chanteur ne s’économise à aucun moment, de sorte que le grand air de l’acte IV, « Asile héréditaire », le voit cette fois assez fatigué, mais globalement la prestation est époustouflante. Chapeau ! La Mathilde d’Olga Kulchynska fait preuve d’une diction soignée, quand bien même la chanteuse n’est pas francophone (elle est ukrainienne). La puissance vocale est remarquable, la voix est homogène sur toute la tessiture et le phrasé est élégant. Comme Julien Dran, elle démarre le spectacle en forme splendide, avec un magnifique « Sombre forêt » à l’acte II, alors que le registre plus aigu de « Pour notre amour... Sur la rive étrangère » de l’acte III la met parfois à mal, peut‑être aussi à cause de la fatigue accumulée depuis le début de la soirée. Mais pour elle aussi, la performance d’ensemble est de très haut niveau. Son allure d’adolescent espiègle fait d’Elisabeth Boudreault l’interprète idéal pour Jemmy, avec de surcroît un timbre particulièrement clair et des aigus cristallins. C’est clairement la révélation de la soirée. Géraldine Chauvet, qui a déjà chanté le rôle à la Scala ce printemps, est une Hedwige au timbre chaud et corsé. Parmi les nombreux rôles secondaires, on signalera le Pêcheur de Sahy Ratia, aux aigus stratosphériques.


Les solistes et les choristes remplissent entièrement ou presque le plateau exigu de l’Opéra de Lausanne, si bien qu’il ne reste que très peu de place pour les décors et la mise en scène. L’intrigue se déroule sur fond de tableaux de Ferdinand Hodler, représentant le plus souvent – mais comment pourrait‑il en être autrement pour Guillaume Tell ? – un lac et des montagnes. Pour le reste, Bruno Ravella signe une production plutôt statique, où les mouvements de foule sont bien coordonnés, une production parfaitement lisible aussi, peut‑être sans grand relief, mais au moins permet‑elle aux spectateurs de se concentrer entièrement sur la musique et les voix, qui sont les véritables atouts de ce spectacle. Au rideau final, applaudissements enthousiastes pour tous et ovation debout pendant plus de cinq minutes. Le mandat de Claude Cortese à Lausanne ne pouvait mieux débuter.



Claudio Poloni

 

 

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