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Trop spectaculaire !

Amsterdam
Nationale Opera & Ballet
10/06/2024 -  et 9, 13*, 15, 18, 22 octobre 2024
Benjamin Britten : Peter Grimes, opus 33
Issachah Savage (Peter Grimes), Johanni van Oostrum (Ellen Orford), Leigh Melrose (Captain Balstrode), Helena Rasker (Auntie), Thembinkosi Slungile Magagula, Sophia Hunt (Nieces), Lucas van Lierop (Bob Boles), James Platt (Swallow), Claire Barnett‑Jones (Mrs. Sedley), Marcel Reijans (Rev. Horace Adams), Will Liverman (Ned Keene), Sam Carl (Hobson), Bruno Ansenk Lopez/Kai Bartak (Boy), Ruth Willemse (A fisherwoman), Sander Heutinck (A fisherman), Jeroen de Vaal (A lawyer), Sara Pegoraro (soprano), Peter Arink, Hans Pieter Herman, Dimo Georgiev, Christiaan Peters, François Soons, Harry Teeuwen (Burgesses), Cato Fordham (Dr. Crabbe)
Koor van De Nationale Opera, Edward Ananian‑Cooper (chef de chœur), Nederlands Philharmonisch Orkest, Lorenzo Viotti (direction musicale)
Barbora Horáková Joly (mise en scène), Eva‑Maria van Acker (décors, costumes), Sascha Zauner (lumières), Tabea Rothfuchs (vidéo), Niels Nuijten (dramaturgie)


J. van Oostrum (© Monika Rittershaus)


Peter Grimes fait une entrée très attendue au répertoire de l’Opéra national néerlandais dans une production spectaculaire et colorée de Barbora Horáková, superbement dirigée par Lorenzo Viotti.


Le premier et peut-être le plus abouti des grands opéras de Benjamin Britten, Peter Grimes créé à Londres en 1945, sur un livret de Montagu Slater très librement adapté du récit The Borough du révérend George Crabbe, sera cette saison après Amsterdam à l’affiche de trois grands théâtres lyriques européens : l’Opéra de Göteborg, le Welsh National Opera et l’Opéra national de Lyon. A Amsterdam, Barbora Horáková a joué la carte spectaculaire. Presque trop ! Car si certaines scènes ont une force dramatique efficace, comme celle du procès de Grimes qui ouvre l’opéra avec de très violentes interventions des villageois, celles de la tempête et de la chasse à l’homme, très cinématographiques, et celle où Ellen Orford chante son désarroi tandis qu’en arrière‑plan, elle les paroissiens assistent à l’office derrière un mur de lattes en bois avec une magistrale superposition musicale entre les deux univers, d’autres, comme les scènes du pub The Boar avec sa ronde « Old Joe has gone fishing » et celle du bal au troisième acte avec son orchestre sur scène, paraissent excessives, avec des mouvements scéniques et chorégraphiques qui font un peu perdre le fil de l’action.


Barbora Horáková a fait le choix d’illustrer les préludes et surtout les célèbres interludes que Britten a placé entre les scènes, de véritables bijoux symphoniques dont certains ont étés réunis par le compositeur pour être joués au concert sous le titre de Four Sea Interludes. Leur rôle technique (changement de décor, ici superflu car tout se passe très ingénieusement à vue sur la large scène ouverte), mais surtout d’impressionner le spectateur en créant musicalement les atmosphères maritimes qui sont la plus grande force de ce drame où la mer est omniprésente, est remplacé par une action théâtrale qui permet de faire avancer l’intrigue et aussi de la rendre plus claire aux spectateurs non familiers de l’œuvre.


L’option principale dramaturgique de prendre le parti de Grimes contre la mesquinerie et les préjugés des villageois en montrant que la mort de John, le second apprenti, n’est pas de son fait, lève largement l’ambiguïté du livret. Le travail d’ensemble, malgré cette hyperthéâtralisation, est remarquable et n’extrapole jamais la vérité pittoresque du livret même si certaines transpositions temporelles de costumes trop chics d’Eva Maria van Acker paraissent aller à l’encontre de l’évocation du monde sordide de ce peuple marin au début du XIXe siècle. La direction d’acteurs est minutieuse, les éclairages virtuoses et inventifs (Sascha Zauner), la chorégraphie, on l’a dit, souvent excessive mais permet de peupler la grande scène du théâtre et l’usage de la vidéo modéré et pertinent (Tabea Rothfuchs).


Ce n’est pas le rôle‑titre qui marquera musicalement cette production mais bien celui d’Ellen Orford, magistralement interprété par la soprano sud‑africaine Johanni van Oostrum, parfaitement adaptée vocalement au rôle et très émouvante dans son interprétation empreinte de tendresse maternelle et compassion.


Le choix d’Issachah Savage pour interpréter Grimes est plus discutable. Ce ténor américain, dont ce sont les débuts dans ce théâtre, a une typologie vocale puissante, certainement adaptée aux rôles wagnériens et verdiens mais seulement à une petite facette de celui de Grimes. S’il est capable d’alléger sa voix dans ses deux monologues, il ne possède jamais le caractère éthéré et étrange du registre aigu si particulier aux rôles de ténors chez Britten et n’a jamais la folie du personnage dans la voix. Sa forte corpulence en impose physiquement sur la grande scène vide mais son jeu est réduit à peu d’expressions.


Le reste de la distribution est exemplaire avec l’excellent Captain Balstrode de Leigh Melrose, l’Auntie haute en couleur de Helena Rasker et Claire Barnett‑Jones en Mrs Sedley. Les excès scéniques déjà soulignés desservent les deux « nièces », Thembinkosi Slungile Magagula et Sophia Hunt, qui paraissent trop caricaturales.


Si important dans l’œuvre car figurant à la fois villageois et marins, le Chœur de l’Opéra national, préparé par Edward Ananian‑Cooper, est la grande force musicale de ce spectacle tout comme l’Orchestre philharmonique des Pays‑Bas, dirigé avec une grande précision et beaucoup d’énergie par Lorenzo Viotti. Le chef franco‑suisse apparaît ici pour sa dernière saison. Il dirigera pour les fêtes de fin d’année la création à Amsterdam de la production munichoise de La Chauve‑Souris par Barrie Kosky (2023) avant de quitter ses fonctions de chef principal de l’Opéra national et du Nederlands Philharmonisch mais y reviendra comme chef invité dès la saison prochaine.


Si le Holland Festival a parfois programmé des œuvres de Britten, ce n’est pas le cas de l’Opéra national néerlandais (la création de Peter Grimes remonte à 1955 en langue néerlandaise). Sachant que cette compagnie programme volontiers par cycles on peut espérer d’y voir figurer prochainement ses autres grands chefs‑d’œuvre lyriques.



Olivier Brunel

 

 

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