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Esthétisme concertant

Paris
Maison de la radio et de la musique
10/09/2024 -  
Ferruccio Busoni : Concerto pour piano, chœur d’hommes et orchestre, opus 39, BV 247
Kirill Gerstein (piano)
Chœur de Radio France, Aurore Tillac (cheffe de chœur), Orchestre national de France, Sakari Oramo (direction)


K. Gerstein (© Marco Borggreve)


Découpé en cinq mouvements et d’une durée de plus de soixante-dix minutes, le Concerto « monstrueusement surchargé » (dixit Alfred Brendel) de Ferruccio Busoni (1866‑1924) place rarement le soliste au premier plan – il se trouve même cantonné à un rôle d’accompagnateur dans le Cantico – mais sa partie est d’une difficulté redoutable. Le compositeur parlait de « Symphonie italienne », mettant ainsi l’accent sur l’aspect symphonie avec piano obligé.


Kirill Gerstein et Sakari Oramo connaissent bien l’œuvre pour l’avoir donnée à plusieurs reprises en concert, notamment à Boston devant les micros de l’éditeur Myrios Classics (2019) ; une interprétation qu’on qualifiera d’« esthètes » en ce qu’elle valorise les prodiges d’orchestration (doublure hautbois/cor anglais du Pezzo serioso, violons con sordini d’All’ italiana). Gerstein convainc particulièrement dans les épisodes chambristes au cours desquels sa partie se fragmente en poudroiement de résonances ou en ostinatos percussifs, quand elle ne tisse pas un dialogue (souvent) discontinu avec les musiciens de l’Orchestre national de France. A l’opposé du grand geste romantique de Marc‑André Hamelin/Mark Elder (Hyperion, 1999), notre tandem exalte le cubisme bigarré de l’œuvre – le tranchant des cuivres et les rythmes de danse d’All’ italiana. Tarantella préfigurent Pétrouchka. D’une rare plasticité, le toucher de Kirill Gerstein étage de vertigineuses pyramides d’arpèges sans oublier une accélération toute rossinienne des crescendos. Les passages solistes, en revanche, manquent d’épaisseur, les aigus de projection – en un mot d’une bravoure plus ouvertement assumée qui aurait contribué à aviver l’élan quasi cinématographique soufflant sur la partition.


S’il tire profit d’une gestique d’une parfaite lisibilité – quitte à trop compartimenter les différentes sections du troisième mouvement –, Sakari Oramo n’a peut‑être pas suffisamment apprivoisé l’acoustique un peu sèche dans les tutti du Grand Auditorium. Les cuivres (soulignons la cohésion des pupitres de cors et de tubas) bénéficient ainsi d’un beau pinceau de lumière, mais le chœur – que le compositeur souhaitait invisible – perd cet effet d’émanation qui eût rendu son entrée magique. Difficile de ne pas songer, néanmoins, au Finale de la Faust‑Symphonie de Liszt, dont Busoni s’affirme ici comme le disciple inspiré et visionnaire.



Jérémie Bigorie

 

 

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