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Thérapie par la Flûte

Paris
Opéra National de Paris Garnier
06/06/2002 -  6, 9, 11, 14*, 18, 21, 24, 27 juin
W. A. Mozart : La Flûte enchantée
Elena Mosuc (Reine), Barbara Bonney (Pamina), Gaële Le Roi (Papagena), Cécile Perrin (Première Dame), Helene Schneidermann (Deuxième Dame), Cécile van de Sant (Troisième Dame), Kurt Moll (Sarastro), Paul Groves (Tamino), Franck Leguérinel (Papageno), David Cangelosi (Monostatos), David Wilson-Johnson (Orateur)
Benno Besson (mise en scène), Jean-Marc Stehlé (décors et costumes), André Diot (lumières)
Orchestre et Cheours de l'opéra National de Paris, Armin Jordan (direction)

Après le fiasco d'Idoménée, c'est avec un mélange de soulagement et d'émerveillement intact qu'on retrouve les décors et costumes de Stehlé dans cette Flûte où le premier degré naïf de la mise en scène de Benno Besson ne dérange pas ; peu d'idées, mais quel ravissement ! De même, la direction ni imaginative, ni drôle, ni dramatique d'Armin Jordan agit comme un baume après les aigreurs et les foucades de Fischer ; non seulement l'orchestre sait toujours jouer Mozart, mais il trouve ici un équilibre des voix, un scintillement des timbres, une délicatesse de phrasé dans les cordes qui mettent en valeur la richesse polyphonique d'une ouverture et de passages solennels traités par le chef avec un remarquable sens musical.
La distribution contribue au bonheur presque sans nuages de la soirée, même si elle donne parfois l'impression d'arriver dix ans trop tard ; ainsi Kurt Moll est-il désormais incapable de chanter Sarastro (pas une note juste dans l'air), et entendre un si grand artiste dans un tel état laisse une impression pénible. Bonney a nettement perdu en assurance aux extrêmes de la tessiture, le souffle est devenu court, ce qui lui rend "Ach, ich fül's" par trop laborieux. Mais les couleurs si personnelles du timbre, l'intonation parfaite, l'extraordinaire musicalité d'un phrasé intégrant avec un absolu contrôle la vibration expressive comme les plus fines nuances dynamiques nous valent bien des moments magiques. Si les maniérismes du jeu et des accents s'avèreraient irritants ailleurs, ils cadrent bien avec le caractère esthétisant du spectacle. Tamino n'a jamais été le rôle de prédilection de Groves ; les deux airs manquent de couleurs plus charmeuses, l'accent américain est même perceptible dans son allemand chanté. Mais la puissance, l'élan des phrases, la sûreté de la voix mixte font merveille dans la scène des portails et celle des épreuves, augurant d'un bel avenir dans des emplois plus lourds. Elena Mosuc et Franck Leguérinel font de leur côté des débuts spectaculaires dans leurs rôles sur cette scène. Première apparition pour elle, dont la Reine de la Nuit séduit par l'intensité d'un timbre très slave dont les stridences même ajoutent au caractère. Des suraigus sans reproche, des staccati très juste et fermement articulés font oublier une vocalisation peu souple obligeant le chef à ralentir le tempo. Rôle star enfin pour le baryton français après une multitude d'excellents petits emplois sur cette scène, et l'un des Papageno les plus remarquables vus ces dernières années, avec lequel on espère faire un long bout de chemin : tout y est idéal, la drôlerie jamais outrée du jeu d'acteur, les couleurs chaudes et nuancées d'une voix aux registres assurés et parfaitement liés, la finesse du musicien associé à une approche vive et percutante du texte. Bravo ! Notons enfin l'excellence de tous les seconds rôles (un Orateur un peu en retrait, peut-être), en particulier le Monostatos de Cangelosi et le trio très équilibré des dames. Celui des garçons surprend par le fossé entre un soprano très grêle et des altos proches de la mue ; impossible au moins d'oublier que nous avons affaire à des voix d'enfants, avec les yeux desquels on se ravit de suivre ce beau livre d'images.



Vincent Agrech

 

 

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