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Martha toujours

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
09/28/2024 -  et 26, 27 septembre 2024 (Rotterdam)
Joey Roukens : Con Spirito
Béla Bartók : Concerto pour piano n° 3, Sz 119, BB 127
Antonín Dvorák : Symphonie n° 9 « Z nového světa », opus 95, B. 178

Martha Argerich (piano)
Rotterdams Philharmonisch Orkest, Lahav Shani (direction)


L. Shani (© Marco Borggreve)


L’Orchestre philharmonique de Rotterdam, en résidence au Théâtre des Champs‑Elysées depuis 2010, nous a habitué à l’excellence. Ce soir encore c’est un concert sans point faible auquel nous avons eu le plaisir d’assister et ce d’autant que la conque récemment installée avenue Montaigne en arrière‑scène, participe d’une acoustique plus équilibrée.


Ce concert débutait par la création française d’une œuvre commandée par l’orchestre à Joey Roukens, un compositeur néerlandais né en 1982. Cette courte mais énergisante pièce est une merveille de rythmes et de couleurs magnifiquement orchestrée. Evoquant par moment la musique de John Adams, de Leonard Bernstein ou Alberto Ginastera, elle sonne toutefois personnelle et originale. La direction efficace et sans baguette de Lahav Shani est un modèle de précision et de souplesse. L’orchestre démontre d’emblée une belle sonorité et une énergie collective communicative.


Après ce début joyeux, place à la grande Martha Argerich qui comme à son habitude fait salle pleine. Le Troisième Concerto de Bartók est une œuvre tardive et tragique considérée comme moins technique que les deux concertos précédents. Martha Argerich y montre tout son talent, décidément inégalable et semblant inusable. Le premier mouvement, qui voit dialoguer le piano et l’orchestre sous la direction d’un Lahav Shani très attentif, regorge de rythmes. L’Adagio religioso, véritable mouvement suspendu, permet à la pianiste argentine de montrer son immense talent de poétesse du piano. Le dialogue avec l’orchestre est mené avec un recueillement tendu et captivant, notamment lors des accords dissonants jetés çà et là au milieu d’une musique par ailleurs assez classique. La seconde partie de l’Adagio, qui sonne un peu comme de la musique française (on pense à Ravel), convient à merveille au jeu précis et lumineux de Martha Argerich. Et quelle main gauche ! Le final à la hongroise, tout de virtuosité et de rythme, est éblouissant dans sa réalisation. Deux bis, « Traumes Wirren » extrait des Fantasiestücke de Schumann et « Le Jardin féerique » de Ma mère l’Oye de Ravel, joué à quatre mains avec Lahav Shani au piano, achèvent de conquérir un public déjà séduit. Voir partir vers les coulisses ces deux pianistes bras dessus bras dessous, en dit long sur leurs affinités musicales et humaines.


Place ensuite à une magnifique Symphonie « Du nouveau monde » de Dvorák. Lahav Shani est y parfait de bout en bout, stimulant ses musiciens avec succès. Il obtient des nuances adaptées, souligne certains phrasés, relance sans arrêt le discours, fait entendre les voix secondaires des cordes ; il a décidément tout du grand chef. Et tout cela est obtenu avec une étonnante décontraction. L’orchestre est homogène sans faiblesse, même si le solo de cor anglais du deuxième mouvement n’est pas le plus émouvant qu’on ait entendu. Les quatre mouvements passent sans longueur et chaque passage est vivant, contrasté et passionnant, rappelant si nécessaire, l’extrême qualité d’une partition véritable chef‑d’œuvre d’inspiration et d’orchestration. L’entente entre le chef et les musiciens hollandais est à l’évidence parfaite. Dommage que cette union débutée en 2018 se termine déjà en 2026, date à laquelle Lahav Shani rejoindra l’Orchestre philharmonique de Munich.


Un magnifique concert sans point faible (ce n’est pas si fréquent) et permettant d’entendre une Martha Argerich toujours au firmament et un Orchestre philharmonique de Rotterdam en grande forme sous la direction d’un des chefs les plus doués du moment.


L’Orchestre philharmonique de Rotterdam sera de nouveau au Théâtre des Champs‑Elysées le 23 mars avec son ancien directeur musical, Yannick Nézet‑Séguin, dans un programme Strauss et Bruckner, un rendez‑vous à ne pas manquer.



Gilles Lesur

 

 

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