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Inventif et réjouissant Paris Maison de la radio et de la musique 09/26/2024 - Serge Rachmaninov : Concertos pour piano n° 1 en fa dièse mineur, opus 1, et n° 2 en ut mineur, opus 18 Mikhaïl Pletnev (piano)
Philharmonique de Radio France, Dima Slobodeniouk (direction)
M. Pletnev, D. Slobodeniouk (© Edouard Brane)
Difficile d’imaginer figure plus fascinante à regarder que celle de Mikhaïl Pletnev (né en 1957), qui semble savoir tout faire au piano, en une facilité déconcertante, presque nonchalante. C’est l’impression qui ressort immédiatement au sortir du concert consacré aux deux premiers concertos de Rachmaninov, dans le superbe auditorium de Radio France, rempli à craquer pour l’événement. Le choix d’honorer la musique concertante de Rachmaninov en deux soirées (auxquelles manquent toutefois la Rhapsodie sur un thème de Paganini) n’est pas tout à fait le fruit du hasard, puisque Pletnev a souhaité mettre en avant un compositeur ayant fui la Russie, tout comme lui. Rappelons en effet qu’il a été démis en 2022 de ses fonctions à la tête de l’Orchestre national de Russie, qu’il dirigeait depuis sa fondation en 1990. Cette décision a immédiatement motivé la création en 2023 d’un nouvel ensemble regroupant de nombreux musiciens russes en dissidence, appelé l’Orchestre international Rachmaninov.
Avant de pouvoir découvrir cet orchestre en France, on se réjouit de retrouver au piano l’ancien premier prix du concours Tchaïkovski en 1978, lui qui a longtemps privilégié la direction, tout comme la composition. Il est accompagné par un Philharmonique de Radio France manifestement bien préparé pour l’occasion : à plusieurs reprises, Pletnev se tourne vers les vents pour hocher de la tête, comme ravi de leur prestation. Les réflexes du chef sont toujours bien là ! L’orchestre est dirigé par Dima Slobodeniouk (né en 1975), qui relève le pari de suivre les phrasés toujours inventifs et surprenants de Pletnev. On est parfois surpris par quelques traits massifs dans les tutti, qui donnent un élan rapsodique à l’ensemble, en couvrant légèrement le piano. En dehors de ces ponctuations rageuses, le chef finlandais d’origine russe privilégie l’allégement des textures, en une lecture analytique proche de celle du soliste.
On se réjouit de pouvoir entendre le Premier Concerto (1891/1917), plus rare au concert que son successeur immédiat, composé en 1901. Ce premier opus trouve une hauteur de vue inattendue avec Pletnev qui explore chaque recoin de la partition, en un souci du détail millimétré, aux notes bien déliées. Aucun maniérisme à l’horizon, tant le Russe s’attache à nuancer chacune de ses interventions, délicieusement imprévisibles. C’est bien cette incertitude qui fait tout le prix de cette interprétation, à laquelle on s’abandonne dans un confort ouaté et privé de tout pathos.
Après l’entracte, le Deuxième Concerto (1901) surprend davantage, tant son aspect dramatique est lissé par le ralentissement des tempi : on se laisse ensorceler par le magicien du piano qu’est Pletnev, qui ose une lecture séquentielle et toujours très personnelle. Il y a comme une sorte d’évidence dans cette lecture sans esbroufe, tandis que l’accompagnement se fait plus sec en comparaison. A l’issue de sa prestation et des premiers applaudissements, le pianiste se tourne vers le premier violon Hélène Collerette pour recueillir son assentiment pour un unique bis, le Deuxième des trois Nocturnes opus 9 de Chopin, avant de revenir sur sa promesse pour gratifier l’assistance d’un ultime bijou de raffinement rythmique, la Sixième des quinze Etudes de virtuosité de Moritz Moszkowski (1854‑1925). On peut bien entendu choisir d’entendre ou réentendre ce concert sur France Musique ou patienter jusqu’au 7 novembre prochain pour applaudir à la Halle aux grains les mêmes interprètes, entourés cette fois de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse.
Le concert en intégralité sur Arte Concert :
Florent Coudeyrat
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