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Une reprise ébouriffante de bonne humeur

Paris
Opéra Comique
09/20/2024 -  et 22, 24, 26, 28 septembre 2024
Daniel-François-Esprit Auber : Le Domino noir
Anne-Catherine Gillet (Angèle), Cyrille Dubois (Horace), Victoire Bunel (Brigitte), Léo Vermot-Desroches (Juliano), Marie Lenormand (Jacinthe), Jean‑Fernand Setti (Gil Perez), Sylvia Bergé (Ursule), Laurent Montel (Lord Elfort), Laurent David (Melchior), Isabelle Jacques (La tourière)
Les Eléments, Joël Suhubiette (chef de chœur), Orchestre de chambre de Paris, Louis Langrée (direction musicale)
Christian Hecq, Valérie Lesort (mise en scène), Laurent Peduzzi (décors), Vanessa Sannino (costumes), Christian Pinaud (lumières), Glysleïn Lefever (chorégraphie)


C. Dubois, A.-C. Gillet (© Stefan Brion)


Il faut se précipiter pour voir ou revoir la reprise de ce spectacle très réussi, produit conjointement en 2018 par l’Opéra royal de Wallonie à Liège et l’Opéra Comique, avant de rejoindre opportunément Lausanne l’an passé. On avait oublié à quel point la musique du Domino noir (1837) coule de source, en une ivresse symphonique faisant la part belle à la finesse des rythmes et des mélodies renouvelées, entremêlant avec brio voix et orchestre, à la manière de ses deux modèles Boieldieu et Rossini. Si Auber n’a jamais cherché à faire figure de novateur, il est parvenu à une sorte d’évidence dans le genre de l’opéra‑comique (constitué, rappelons‑le, d’une alternance de parlé et de chanté), qui explique pourquoi Le Domino noir reste aujourd’hui encore le neuvième titre le plus joué du répertoire du Théâtre national de l’Opéra Comique, avec 1 201 représentations.


Si les quarante-huit ouvrages lyriques d’Auber sont en grande partie négligés de nos jours (notamment de la part du Palazzetto Bru Zane, qui n’a pas cru bon devoir consacrer un seul volume à l’un des plus célèbres compositeurs français de son temps), on se félicite que des maisons audacieuses fassent vivre cette musique de tout son éclat, de Manon à Turin (à la fin du mois) à La Muette de Portici à Darmstadt (à partir de fin avril 2025). Pour autant, il est évidemment préférable de réunir une distribution francophone pour ce type de répertoire, dont l’articulation entre dialogues et parties chantées nécessite une mécanique de haute précision : un défi que l’Opéra Comique parvient à relever haut la main en reprenant la quasi‑totalité de la distribution de 2018.


Ainsi des deux rôles principaux, les tourtereaux Anne-Catherine Gillet (Angèle) et Cyrille Dubois (Horace), qui rivalisent de charme pour interpréter avec crédibilité cette histoire en grande partie inspirée du conte de Cendrillon. En dehors de quelques accélérations qui mettent parfois à mal la précision de sa diction, Anne‑Catherine Gillet (Angèle) montre une fois encore combien sa voix est idéale pour ce répertoire, entre beauté du timbre et articulation souple et vivace. A ses côtés, Cyrille Dubois s’impose avec les mêmes qualités, malgré un aigu moins aérien qu’à l’habitude. Si Victoire Bunel (Brigitte) et Léo Vermot-Desroches (Juliano) assurent solidement leur partie, la plus belle signature vocale de la soirée revient à Jean‑Fernand Setti, truculent et volumineux Gil Perez. Marie Lenormand (Jacinthe) compense ses déficiences vocales par un brio comique toujours irrésistible, mais reste un cran en dessous en comparaison de la prestation de Laurent Montel en impayable britannique à l’accent haut en couleur.


La plus grande satisfaction de la soirée revient surtout à la fosse, tenue par un Louis Langrée idéal dans ce répertoire à force d’allégement de la pâte sonore : sa direction chambriste est un régal tout du long, mêlant habilement finesse et brio pour conduire tout son petit monde, en faisant ressortir toute l’ironie piquante des vents de l’Orchestre de chambre de Paris, sans parler du chœur Les Eléments, très bien préparé pour l’événement. C’est là une nouvelle réussite pour ce chef français à la carrière d’envergure internationale, qui a reçu lors d’une cérémonie émouvante au foyer à l’issue de la représentation, le grade de commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres.


On doit précisément à Louis Langrée l’initiative de la reprise du Domino noir, un spectacle conçu sous le mandat de son prédécesseur à la direction de l’Opéra Comique, Olivier Mantei : c’était là la toute première mise en scène lyrique du duo composé des comédiens Christian Hecq et Valérie Lesort, après leur succès plusieurs fois repris, Vingt Mille Lieues sous les mers (2015), d’après Jules Verne. Après Ercole amante de Cavalli en 2019, on retrouve le style fantaisiste et bon enfant des deux trublions, qui mêlent épure scénographique et costumes aussi élégants que farfelus, tout en enrichissant l’action (au livret parfois trop statique) de gags visuels savoureux, dont on laissera évidemment la surprise au spectateur. Une réussite à savourer d’urgence !



Florent Coudeyrat

 

 

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