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Une équivoque drôle et pétillante

Pesaro
Teatro Rossini
08/08/2024 -  et 12, 16*, 21 août 2024
Gioachino Rossini : L’equivoco stravagante
Maria Barakova (Ernestina), Nicola Alaimo (Gamberotto), Carles Pachon (Buralicchio), Pietro Adaíni (Ermanno), Patricia Calvache (Rosalia), Matteo Macchioni (Frontino)
Coro del Teatro della Fortuna, Mirca Rosciani (préparation), Filarmonica Gioachino Rossini, Michele Spotti (direction musicale)
Moshe Leiser, Patrice Caurier (mise en scène), Christian Fenouillat (décors), Agostino Cavalca (costumes), Christophe Forey (lumières)


(© Amati Bacciardi)


Le théâtre Rossini de Pesaro accueille une reprise de L’equivoco stravagante (L’Equivoque extravagante), un opéra bouffe composé en 1811, alors que Rossini n’avait que 19 ans. Commande du Teatro del Corso de Bologne, l’ouvrage a été accueilli avec circonspection, en raison surtout du livret de Gaetano Gasbarri, qui fourmille d’allusions et de double sens scabreux, très souvent ouvertement érotiques, ce qui à l’époque avait choqué bien des spectateurs. Qui plus est, le livret raconte l’histoire d’une ruse grâce à laquelle, pour contrarier un mariage arrangé, on fait croire au fiancé que sa promise est en réalité un castrat ! Au terme de la troisième représentation, la censure a sévi et interdit l’ouvrage. On pense que si ses foudres ne sont pas tombées plus tôt, avant la création à proprement parler, c’est que les fonctionnaires chargés d’examiner le texte n’ont pas saisi les nombreuses allusions cachées. Quoi qu’il en soit, après un très long purgatoire, l’œuvre a été présentée au San Carlo de Naples en 1974, avec Sesto Bruscantini et Rolando Panerai, avant d’être programmée pour la première fois à Pesaro en 2002, puis reprise en 2008. La production actuelle a été étrennée en 2019.


Si le livret a été controversé, la musique de Rossini a, elle, fait l’unanimité dès le début. Après la farce en un acte La cambiale di Matrimonio, créée en 1810, L’equivoco stravagante ouvre toute une série d’opéras bouffes en deux actes. La verve, la vivacité et la légèreté si étroitement associées au compositeur sont déjà bien présentes, sans parler de sa science des airs virtuoses et des ensembles enivrants ; on entend déjà, çà et là, Le Barbier de Séville.


A Pesaro, Patrice Caurier et Moshe Leiser ont signé une production particulièrement drôle et pétillante, qui ne tombe jamais dans la vulgarité et où tout s’enchaîne de manière extrêmement fluide, avec une direction d’acteurs soignée. Aujourd’hui, les allusions salaces du livret font éclater de rire un public bon enfant. Le tandem des metteurs en scène ose un clin d’œil en montrant, au début du spectacle, les deux serviteurs en train de se livrer à des galipettes. L’action se déroule dans un intérieur (décors de Christian Fenouillat) entièrement tapissé, avec un immense tableau représentant des vaches dans une prairie, par lequel, à plusieurs reprises, les choristes et les chanteurs entrent sur scène et en sortent. Avec de faux nez pour les hommes et des lunettes pour l’héroïne, les costumes d’Agostino Cavalca s’inspirent clairement de la commedia dell’arte.


La distribution vocale est non seulement d’excellent niveau, mais aussi particulièrement homogène. Elle est emmenée par le Gamberotto truculent à souhait de Nicola Alaimo, confondant d’expressivité – il sait donner un sens à chaque mot et à chaque phrase – et de présence scénique, sans parler de sa voix extrêmement bien projetée et homogène, sur laquelle les années semblent n’avoir aucune prise. Maria Barakova est une Ernestina à la voix parfaitement homogène sur toute la tessiture et aux vocalises bien assurées, avec un superbe rondo au deuxième acte (« Se per te lieta ritorno »). La chanteuse est très à l’aise dans son personnage de jeune fille un peu sotte, éprise de lecture et qui veut parler comme les personnages de romans. Le baryton espagnol Carles Pachon fait, lui aussi, forte impression avec son chant expressif et sa verve comique. Pietro Adaíni ne lui cède en rien, si ce n’est que l’émission est quelque peu nasillarde. Dans la fosse, à la tête de la Filarmonica Gioachino Rossini, Michele Spotti offre une interprétation parfaitement idiomatique, vive, légère et pétillante ; il accompagne constamment les chanteurs du regard en récitant le livret. Du Rossini à son plus haut degré d’expression, ovationné par un public visiblement ravi.



Claudio Poloni

 

 

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