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Une belle découverte

Millau
Sylvanès (Abbatiale Notre-Dame de l’Assomption)
08/18/2024 -  
Gabriel Fauré : Cantique de Jean Racine, opus 11 – Madrigal, opus 35 – Les Djinns, opus 12 – Super flumina Babylonis (arrangement Raymond Alessandrini)
Clémence de Grandval : Stabat Mater

Cécilia Arbel (soprano), Gaëlle Mallada (mezzo), Bastien Rimondi (ténor), Jiwon Song (baryton-basse)
Aude Giuliano (accordéon), Philippe Reymond (piano)
Chœur Région Sud Provence Alpes Côte d’Azur, Michel Piquemal (direction)




Toujours sous la direction artistique de son fondateur, Michel Wolkowitsky, le Festival de l’abbaye de Sylvanès continue de se consacrer aux musiques sacrées et aux musiques du monde. L’éclectisme de la programmation de la quarante‑septième édition, du 14 juillet au 1er septembre, confirme que le pluriel n’est en rien usurpé. Et au fil des vingt‑six concerts, comprenant notamment plusieurs « créations » du festival, on peut même trouver de la musique de chambre, des airs d’opéra et des mélodies. Parmi les invités, qui se produisent à titre principal dans l’abbaye cistercienne (XIIe ‑XIIIe), restaurée à partir de 1975, mais également à Millau, Saint‑Affrique et Combret‑sur‑Rance, on remarque des formations telles que Les Musiciens de Saint‑Julien, l’Ensemble Pulcinella et le Sirba Octet. Labellisée « centre culturel de rencontre », l’abbaye, qui propose également une « saison musicale » du 12 mai au 11 novembre, organise en outre des résidences d’artistes ainsi que différents stages, classes de maître, ateliers choraux et une académie.


Indépendamment du centenaire de sa disparition, Fauré a donc toute sa place dans une programmation où il apparaît même à plusieurs reprises. Pour le troisième et dernier des trois concerts qui lui sont consacrés en tout ou partie, Michel Piquemal, par ailleurs directeur musical de l’Académie de chœurs du festival, dirige le Chœur Région Sud Provence Alpes Côte d’Azur – ouf ! – dont il est à la tête depuis sa fondation en 1989. De caractère assez contrasté, les quatre pièces qu’ils ont choisies offrent ainsi plusieurs facettes du compositeur. Dans le pieux Cantique de Jean Racine (1865) et l’élégant Madrigal (1878), la petite cinquantaine de choristes convainc pleinement, avec une mise en place très soignée et des pupitres masculins peu nombreux mais de belle qualité. L’acoustique ne permet malheureusement pas la mise en valeur des textes, en particulier quand le volume sonore augmente, ce qui est également dommage dans Les Djinns (1875), spectaculaire mis en musique du poème d’Hugo. Une intéressante rareté conclut ce petit bouquet : Super flumina Babylonis (1863), autrement dit le Psaume CXXXVII, d’un Fauré alors âgé de 18 ans, originellement pour solistes, chœur et orchestre – ici remplacé, dans un arrangement de Raymond Alessandrini, par le piano infatigable de Philippe Reymond.



M. Piquemal, C. Arbel, G. Mallada, B. Rimondi, A. Giuliano, J. Song (© Abbaye de Sylvanès)


L’édition 2024 du festival est placée sous le signe de « Femmes, Femmes, Femmes !!! ou Le Génie créateur féminin ». Le programme s’inscrit dans le droit fil de cette thématique avec le Stabat Mater (1870) de Clémence de Grandval. Née de Reiset dans la Sarthe, elle épouse en 1851 Amable Enlart de Grandval. Elève de Flotow puis Saint‑Saëns pour la composition et de Chopin pour le piano, par ailleurs cantatrice, elle a écrit de la musique de chambre, des mélodies, des œuvres lyriques, que ce soit pour la scène ou pour le concert (oratorios), et de la musique religieuse. La curiosité et le flair de Michel Piquemal ne surprennent pas, si l’on se souvient par exemple qu’il a ressuscité la musique de Martial Caillebotte, le frère du peintre (voir ici).


Ce Stabat Mater en  mineur est originellement écrit pour orchestre, mais il en existe une version pour piano et harmonium, dans l’esprit de la version originale Petite messe solennelle de Rossini. Ici, l’accordéon se substitue à l’harmonium, de façon tout à fait concluante sous les doigts d’Aude Giuliano. L’œuvre frappe d’abord par sa durée : exactement une heure, et cette heure passe sans que le temps paraisse long. Elle est structurée en une puissante introduction, dont le thème revient dans les toutes dernières pages, suivie de neuf numéros : trois airs, un duo, un trio et quatre quatuors, où les solistes sont accompagnés ou non par le chœur.


La date de composition interroge : faut‑il y rechercher ou y ressentir un lien avec la guerre et le deuil des mères ? Toujours est‑il que Grandval, sans faire preuve d’une folle audace ni d’une grande originalité, dans la lignée de Gounod pour le sens mélodique ou de Franck pour le soin apporté aux modulations, parvient à toucher, alternant monumentalisme et recueillement. L’écriture vocale et chorale est impeccable et si l’expression emprunte à l’opéra, le caractère dramatique de l’hymne étant fortement souligné (« Pro peccatis », « Inflammatus et accensus »), elle ne sort pas du cadre de l’église. Aucun numéro ne dénote de faiblesse, et il faut relever parmi d’autres réussites un beau « Fac ut portem » pour quatuor et chœur a cappella. Mais les trois airs ressortent tout spécialement, très bien chantés par Cécilia Arbel, soprano au timbre capiteux, Gaëlle Mallada, mezzo au registre grave très assuré, et Bastien Rimondi, dont la splendide prestation suggère que cet « Eia! Mater » en sol majeur avec chœur de femmes à trois voix devrait faire partie du répertoire de tout ténor qui se respecte. Et il serait injuste d’oublier le baryton Jiwon Song, qui est parfaitement à sa place dans ce quatuor homogène et engagé. Quant à Michel Piquemal, tenant le tout d’une main de fer, jusqu’à la moindre inflexion du piano, il défend admirablement cette partition qu’on espère pouvoir entendre dans sa version originale, pour peu que les parties d’orchestre aient été conservées.


Avec le bis, un arrangement pour chœur et piano de la suave mélodie Les Berceaux (1879) de Fauré, le public repart l’esprit plus léger, mais n’en reste sans doute pas moins sous le coup de la forte impression produite par le Stabat Mater.


Le site du Festival de l’abbaye de Sylvanès
Le site de Gaëlle Mallada
Le site de Bastien Rimondi
Le site du Chœur Région Sud Provence Alpes Côte d’Azur



Simon Corley

 

 

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