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Une partition majeure de Rossini

Pesaro
Vitrifrigo Arena
08/09/2024 -  et 13*, 17, 20 août 2024
Gioachino Rossini : Ermione
Anastasia Bartoli (Ermione), Victoria Yarovaya (Andromaca), Enea Scala (Pirro), Juan Diego Flórez (Oreste), Antonio Mandrillo (Pilade), Michael Mofidian (Fenicio), Martiniana Antonie (Cleone), Paola Leguizamón (Cefisa), Tianxuefei Sun (Attalo)
Coro del Teatro Ventidio Basso, Giovanni Farina (préparation), Orchestra Sinfonica Nazionale della Rai, Michele Mariotti (direction musicale)
Johannes Erath (mise en scène), Heike Scheele (décors), Jorge Jara (costumes), Bibi Abel (vidéo), Fabio Antoci (lumières)




Le Festival Rossini (Rossini Opera Festival, ROF), qui se déroule cette année du 7 au 23 août dans une ville de Pesaro proclamée capitale italienne de la culture 2024, vient de frapper un grand coup en proposant une production captivante d’une rareté, Ermione. Créé en 1819 au San Carlo de Naples, l’opéra est un échec cuisant, au point que Rossini, après seulement sept représentations, décide de le retirer de son catalogue. L’ouvrage tombe dans l’oubli pendant plus de cent cinquante ans, avant de réapparaître à Sienne en 1977 en version concertante puis de faire l’objet d’une intégrale studio en 1986, sous la baguette de Claudio Scimone. L’année suivante, Pesaro marque sa véritable résurrection, en version scénique cette fois et dans une distribution éblouissante (Montserrat Caballé, Chris Merritt, Rockwell Blake, Marylin Horne, excusez du peu). A partir de là, l’ouvrage suscite enfin l’attention des directeurs d’opéra et a droit à une deuxième production à Pesaro en 2008. La production actuelle est donc la troisième dans la ville natale de Rossini.


Ermione est une « action tragique » sur un livret d’Andrea Leone Tottola, lequel a pris pour modèle l’Andromaque de Racine, elle‑même tirée de l’œuvre éponyme d’Euripide. Peu après la chute de Troie, Pyrrhus retourne dans son royaume, emmenant avec lui des prisonniers troyens, dont Andromaque, la veuve d’Hector, et son fils Astyanax. Bien qu’une promesse de mariage le lie à Hermione, fille de Ménélas, Pyrrhus tombe amoureux d’Andromaque et veut en faire sa reine, ce qui suscite la jalousie d’Hermione et le mépris des chefs grecs, qui craignent de voir un héritier troyen monter sur le trône. La partition de Rossini est particulièrement novatrice en ce sens qu’elle s’inspire de Gluck et de l’opéra français, en faisant la part belle aux récitatifs et à la déclamation, quand bien même le belcanto est constamment présent, avec ses vocalises stratosphériques et ses ornementations. Pour de nombreux musicologues, le fiasco de l’ouvrage à sa création tient au fait qu’il était trop éloigné des goûts du public italien de l’époque ; d’autres avancent la fin tragique de l’ouvrage, qui est une rareté pour ces temps‑là. Une autre explication est l’immense difficulté des rôles principaux.



(© Amati Bacciardi)


Le ROF n’a eu cure de ces difficultés puisqu’il a réussi à réunir une distribution de très haut vol. La révélation de ces représentations d’Ermione est Anastasia Bartoli (qui n’est autre que la fille de Cecilia Gasdia) dans le rôle‑titre. Si elle n’est pas une belcantiste à proprement parler, la soprano éblouit par sa voix puissante et homogène, extrêmement bien projetée, ses vocalises insolentes, son tempérament de feu et son charisme scénique. Il faut l’entendre exiger d’Oreste, son soupirant, qu’il tue Pyrrhus ; ce passage vaut le déplacement à lui tout seul ! Juan Diego Flórez prouve avec éclat que les années n’ont pas encore de prise sur lui, avec une musicalité jamais prise en défaut, une technique belcantiste hors pair, des vocalises époustouflantes et un art consommé des nuances, malgré quelques aigus un peu tendus. En Pyrrhus extrêmement cynique et violent, Enea Scala est confondant de vaillance, d’énergie et de générosité dans son chant, malgré une ligne vocale pas toujours soignée et précise. Dans le rôle relativement court d’Andromaque, Victoria Yarovaya séduit par son timbre grave et velouté ainsi que par sa prestance royale. A la tête de l’Orchestre symphonique national de la RAI, Michele Mariotti est le principal artisan de la réussite du spectacle, livrant une interprétation particulièrement dynamique et énergique de la partition de Rossini, une interprétation nerveuse et pulsante, qui fait vivre le drame à chaque instant.


Le metteur en scène Johannes Erath signe un spectacle très stylisé, montrant une société décadente réunie autour d’une longue table au sommet d’un immense escalier, une société dans laquelle les genres ne sont pas clairement définis et où toutes les turpitudes et tous les coups sont permis. Le plateau est délimité par un immense cadre noir zébré de blanc. Des projections vidéo en noir et blanc viennent rappeler le temps d’avant, celui du bonheur et de l’amour. L’espace est extrêmement bien utilisé avec deux avant‑scènes latérales et le contour de la fosse. Au terme de cette représentation enthousiasmante à tous points de vue, le doute n’est plus permis : Ermione fait décidément partie des partitions majeures de Rossini.


Le site du Festival d’opéra Rossini



Claudio Poloni

 

 

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