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Pastorale aux champs

Cahors
Rocamadour (Vallée de l’Alzou)
08/16/2024 -  et 29 juin 2024 (Paris)
Ludwig van Beethoven : Symphonies n° 6 « Pastorale », opus 68, et n° 5, opus 67
Orchestre Consuelo, Victor Julien-Laferrière (direction)




A l’heure où l’on a plutôt tendance à s’inquiéter des difficultés, quand ce n’est pas de la disparition, de certains festivals, celui de Rocamadour frappe par sa bonne santé qui traduit un développement et un enracinement progressifs. On les doit à l’organiste Emmeran Rollin, directeur général et artistique du « projet Rocamadour – Musique sacrée » mis en place en 2023, qui, outre le festival, comprend l’ensemble vocal La Sportelle, créé en 2017, et une marque de disques, apparue en 2020. Le soutien des partenaires privés constitue également un atout capital, au premier rang desquels l’incontournable Aline Foriel‑Destezet, « mécène principale ».


Né en 2006 sous la dénomination de « Cantica Sacra » et ayant adopté son nom actuel en  2013, en même temps que l’inauguration du grand orgue Daldosso de la basilique Saint‑Sauveur (voir ici), voici maintenant le festival parvenu à sa dix‑neuvième édition, du 15 au 26 août, sous les auspices de l’« Espérance », une thématique suffisamment large pour être fédératrice. Au fil de vingt‑sept concerts, sont notamment à l’affiche, dans la cité sanctuaire ou dans ses environs (Gramat, Lacave, Souillac), Roberto Alagna, Renaud Capuçon et David Fray ainsi que Simon‑Pierre Bestion, Sébastien Daucé, Philippe Herreweghe et Thibault Noally avec leurs ensembles respectifs, mais il faut également mentionner l’organisation de plusieurs manifestations « en saison », c’est‑à‑dire avant le mois d’août.


Le site, où l’on se souvient que Poulenc avait redécouvert la foi le 22 août 1936, invite évidemment aux musiques sacrées, notamment vocales – le festival a d’ailleurs débuté sous la forme d’un stage de chant choral et en propose désormais deux. Mais ce n’est pas la seule dimension de sa programmation : ainsi des concerts présentés depuis 2019 dans une prairie de la vallée de l’Alzou, au pied de la cité. Devant une haute scène dominée par le château en arrière‑plan, les rangées de chaises bleues et rouges sont regroupées en six zones, de A comme « Amadeus » à F comme « Fauré ».



V. Julien-Laferrière (© François Le Guen)


Cette année, le second concert en plein air permet d’entendre l’Orchestre Consuelo, constitué en 2019 mais qui n’a adopté ce nom qu’en 2021, sous la direction de son fondateur, Victor Julien-Laferrière. Le violoncelliste s’est déjà bien fait connaître et apprécier, depuis son premier prix concours Reine Elisabeth en 2017, notamment au travers de ses albums, que ce soit en soliste (Dvorák/Martinů, Dutilleux/Dusapin) ou en chambriste au sein de feu le Trio Les Esprits. Le chef, en revanche, a moins convaincu dans le premier album, consacré à Brahms, qu’il a récemment publié avec sa formation. Ils sont actuellement engagés dans un projet d’enregistrement de l’intégrale des Symphonies de Beethoven pour b·records (2023‑2026) dans le cadre d’une résidence au Festival de la Chaise‑Dieu, autre lieu remarquable tant pour la spiritualité que pour la musique.


Programme on ne peut plus homogène pour cette soirée : les deux symphonies créées lors du fameux concert marathon du 22 décembre 1808 au Theater an der Wien, où étaient également joués le Quatrième Concerto pour piano, des extraits de la Messe en ut, des pièces pour piano et la Fantaisie chorale. Et programme on ne peut plus approprié aux circonstances, les chants d’oiseaux venant se mêler à ceux consignés par Beethoven dans sa Symphonie « Pastorale » en harmonie avec ce cadre bucolique.


Mais le plein air n’a pas que des agréments. De façon assez inattendue, c’est aux sons d’une formation de jazz que se fait l’installation du public mais également des musiciens, qui s’accordent longuement alors que se poursuit la diffusion de cette musique incongrue. Outre des cloches et des cris d’enfants, il faut ensuite endurer une sonorisation certes indispensable mais qui, si elle respecte les timbres – quoique sans favoriser leur fusion – et l’équilibre entre les pupitres, tend à écraser les tutti et à leur conférer une sonorité peu flatteuse. Tout cela manque de relief – on ne profite par exemple pas du tout de la judicieuse répartition des premiers et seconds violons de part et d’autre du chef – et donne l’impression de ces audiocassettes monophoniques d’il y a un demi‑siècle écoutées à plein volume. On ne voit pas en outre ce qu’apportent les lumières stroboscopiques et colorées projetées sur les arbres de chaque côté de la scène, sinon une distraction inopportune.


Si certains lieux comparables offrent donc de meilleures conditions d’écoute, l’intérêt demeure évident quand on considère le public que ces moments estivaux à la fraîche peuvent séduire, plus large que celui des salles traditionnelles. Pour autant, doit‑il se contenter de ces feuillets certes gratuits et imprimés sur un beau papier glacé mais qui consacrent aux œuvres moins d’une demi‑page, assez pauvre en informations – sans même mentionner leurs différents mouvements – et une page et demie à l’orchestre et au chef ?


Mais il reste quand même l’essentiel : profiter de la musique. De ce point de vue, la satisfaction apparaît mitigée. De petite taille (à peine une trentaine de cordes), la formation adopte les standards désormais en vigueur, avec cuivres anciens (et cors parfois à la peine) et vibrato parcimonieux, sécheresse d’ensemble compensée par une légère réverbération due aux micros. L’interprétation se veut aimable, sans doute d’inspiration chambriste, ce qui n’est guère idéal vu l’endroit, arrondit les angles et procède avec minutie, mais manque de souffle et de ressort. Vigueur (troisième mouvement de la Pastorale, Allegro con brio de la Cinquième) et tempi rapides, voire précipités (Trio du Scherzo de la Cinquième), ne suffisent pas à susciter un sentiment d’animation et de vie. De même, la brièveté du point d’orgue après les célébrissimes quatre premières notes de la Cinquième crée un effet dramatique certain, mais trop souvent, on a le sentiment d’en revenir au pilotage automatique. En fin de compte, la difficulté à percevoir une vision dans cette approche où l’urgence fait trop souvent défaut.


Les spectateurs se lèvent dès les premiers saluts mais s’il les remercie pour la chaleur de leur accueil, Victor Julien‑Laferrière leur explique qu’il ne serait pas opportun d’offrir de bis après une telle apothéose, ce à quoi on ne peut que lui donner raison.


Le site du Festival de Rocamadour
Le site de Victor Julien-Laferrière
Le site de l’Orchestre Consuelo



Simon Corley

 

 

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