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Magnifique doublé London Royal Albert Hall 07/31/2024 - Cassandra Miller : I cannot love without trembling
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 4, opus 43 Lawrence Power (alto)
BBC Philharmonic, John Storgårds (direction)
J. Storgårds, L. Power (© BBC/Andy Paradise)
Magnifique doublé pour ce seizième concert des BBC Proms avec la monumentale Quatrième Symphonie de Chostakovitch et une création de la compositrice Cassandra Miller.
Pour ce concert, le Royal Albert Hall était bien rempli et climatisé ! C’est l’Orchestre philharmonique de la BBC qui officiait sous la direction du chef et violoniste finlandais John Storgårds. L’acoustique nous a paru plus favorable à ce programme que le concert dirigé par Ryan Bancroft la semaine précédente. Mais cette appréciation tient à tant de paramètres que sont entre autres la température de la salle, le remplissage, l’emplacement de l’auditeur et son état auditif du jour. Une autre variable de taille est l’orchestre. Le Philharmonique de la BBC joue ici dans sa résidence d’été et l’on imagine que chaque musicien est rompu aux nombreux pièges acoustiques du lieu. Les œuvres aussi et, contrairement à l’expérience de la musique postromantique qui exige un mélange des timbres toujours périlleux, la musique symphonique si rythmique et percussive de Chostakovitch convenait beaucoup mieux au vaste espace de cette salle. Ainsi la Quatrième Symphonie, avec sa centaine de musiciens et pupitres de vents multipliés, a‑t‑elle été superbement menée par cet orchestre très rompu à ce répertoire.
La soirée avait commencé avec une œuvre plus intime, donnée pour la première fois aux Proms, commande à la fois belge, canadienne et écossaise à la compositrice canadienne Cassandra Miller (née en 1976). Intitulé I cannot love without trembling, ce concerto pour alto créé en 2023 a un substrat littéraire de taille, son titre étant extrait d’une lettre de la philosophe française Simone Weil (1909‑1943) à Gustave Thibon, qui a développé dans son ouvrage La Pesanteur et la Grâce le concept platonicien de μεταξύ (ce qui à la fois sépare et réunit). Chaque séparation est un lien résume la thématique de cette œuvre en cinq parties aux titres empruntés à Simone Weil mais qui se réfère aussi dans sa thématique musicale aux rites funéraires de la Grèce antique. Cette page tonale d’une durée d’une demi‑heure est une longue plainte, suite de soupirs et de lamentations exprimés par l’alto dont la sonorité irréelle évoque souvent celles des ondes Martenot et qui seulement dans une cadence finale se permet des échappées mélodiques, de très belles phrases déclamées par l’altiste britannique Lawrence Power très impliqué dans l’interprétation de créations pour son instrument. L’atmosphère de cette œuvre plutôt anxiogène était parfaitement rendue par le petit effectif du Philharmonique de la BBC que tenait sous une tension extraordinaire le chef finlandais. Très acclamée, l’œuvre (et sa compositrice présente dans la salle) devrait faire une belle carrière.
Olivier Brunel
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