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Döner et spaghetti

Bad Wildbad
Königliches Kurtheater
07/21/2024 -  et 23, 26, 28* juillet 2024
Gioacchino Rossini : L’italiana in Algeri
Dogukan Ozkan (Mustafa), Polina Anikina (Isabella), Hyunduk Kim (Lindoro), Francesco Bossi (Haly), Emmanuel Franco (Taddeo), Oksana Vakula (Elvira), Camilla Carol Farias (Zulma)
Jochen Schönleber (mise en scène, décors, lumières), Olesja Maurer (costumes), Marcel Hahn (lumières)
Chór Filharmonii im. Karola Szymanowskiego w Krakowie, Piotr Piwko (chef de chœur), Filharmonia im. Karola Szymanowskiego w Krakowie, José Miguel Pérez‑Sierra (direction musicale)


(© Rossini in Wildbad)


La trente-cinquième édition de « Rossini in Wildbad », du 18 au 28 juillet, a programmé trois opéras dont deux du compositeur à l’honneur chaque année, lui qui s’est rendu dans cette station thermale de la Forêt‑Noire en 1858 : Le Comte Ory, au Trinkhalle, L’Italienne à Alger (1813), au Kurtheater.


La belle Italienne débarque-t-elle, d’ailleurs, à Alger ? Pas vraiment. Cette concurrente du Paris‑Dakar se trouve en rade après avoir percuté un panneau avec sa voiture, probablement en Allemagne : Mustafa tient en effet un fast‑food de döner kebab. Le metteur en scène, Jochen Schönleber, entend souligner la nature bouffe de cet ouvrage, pour un résultat vif et étourdissant. Ce théâtre ne permet pas de monter des scénographies complexes, mais la mise en scène, qui s’accommode fort bien de la taille restreinte de la cage, n’en demeure pas moins riche en trouvailles, le plus souvent bonnes, voire excellentes, parfois grotesques, bien que drôles – la scène durant laquelle Mustafa avale des spaghetti, par exemple. Les ensembles, en particulier à la fin de chaque acte, impressionnent par leur énergie et leur précision, preuve d’une production fort bien rodée. Toutes ces performances témoignent de la réputation de ce festival annuel, incontournable pour les jeunes chanteurs.


La distribution affiche un niveau réjouissant, si bien qu’il paraît difficile de le dépasser significativement. Cette production tire une grande partie de sa force entre l’adéquation quasiment parfaite entre les exigences physiques et vocales des rôles et les moyens et compétences de ceux qui les interprètent. Tous les solistes, sauf un, appartiennent actuellement à l’Académie BelCanto, attachée à ce festival.


Arborant une barbe fleurie à la Jordi Savall, ce qui renforce sa crédibilité en Mustafa, Dogukan Ozkan livre une prestation impressionnante, tenant à l’aisance et à la justesse avec lesquelles cette basse incarne ce personnage. Il exploite d’admirables atouts vocaux – les graves, l’agilité – au service d’un chant d’une excellente tenue. Oksana Vakula et Camilla Carol Farias se complètent bien mutuellement en Elvira et Zulma, cette dernière plus extravertie et polissonne que la première, plus délicate et discrète. Toutes deux attirent l’attention, par leur présence et leur timbre, ainsi que par leur souple et précise ligne de chant. Le très expérimenté Emmanuel Franco campe avec un abattage éblouissant et une caractérisation parfaite le truculent Taddeo, tandis que Francesco Bossi excelle en Haly, narquois et ironique. Hyunduk Kim possède une voix de ténor idéale pour ce répertoire, précise et claire. Son Lindoro séduit par son mélange de finesse, de sensibilité, mais aussi d’audace et de caractère. Mais celle qui impressionne le plus dans cette distribution de haut vol se nomme Polina Anikina, dotée d’un physique avantageux et de moyens vocaux considérables. La voix, large dans le medium, monte aisément dans le haut du registre, tandis que la mezzo affiche un don naturel pour la comédie. Une Isabella stimulante et sexy.


La petite fosse ne peut évidemment pas contenir un grand orchestre, mais les musiciens de la Philharmonie Szymanowski de Cracovie jouent cette musique effervescente avec suffisamment de puissance et de corps, sous la direction rigoureuse de José Miguel Pérez‑Sierra. Le chef obtient de cet orchestre une exécution quelque peu compacte mais vive et précise, dans un équilibre quasiment idéal avec les chanteurs. Quant à Gianluca Ascheri, il accompagne les récitatifs avec esprit. Les choristes de la Philharmonie Szymanowski de Cracovie bougent beaucoup, effectuent souvent des gestes divers et variés, bref participent abondamment à l’action, parfois inutilement, mais ils chantent bien et avec conviction, contribuant à la réussite de la représentation.


Quelques mots sur cette académie. Un concert, le samedi 27 juillet, en fin de matinée, au Kurtheater, a permis de découvrir et de retrouver des chanteurs venus perfectionner leur art, à l’occasion de classes de maître avec le ténor Raúl Giménez. Programme chargé et en deux parties : d’abord des pages sacrées de Rossini, essentiellement extraites du Stabat Mater, puis des airs d’opéras du Pesarais, bien sûr, mais aussi de Mozart, Donizetti et Bellini. Au piano, Gianluca Ascheri et Andrés Jesús Gallucci accompagnaient en alternance tous ces jeunes chanteurs. Des interprètes par ailleurs distribués dans Masaniello, Le Comte Ory et L’Italienne à Alger exécutent un air, parfois un autre extrait en duo, comme Oksana Vakula, Yo Otahara, Massimo Frigato et Juan José Medina. C’est ainsi que Luis Magallanes a su mieux nous convaincre de son excellent potentiel dans le « Cujus animam » du Stabat Mater que dans l’opéra de Carafa. Dernier à chanteur seul, Dogukan Ozkan, avant que tous n’entonnent un extrait choral a cappella, a fortement impressionné, dans un tout autre registre que celui de Mustafa, dans un air d’Assur de Semiramide, profond et éloquent.


Jochen Schönleber remet un prix à trois des participants, de quoi favoriser des engagements. Ces artistes paraissent, en effet, accomplis, mûrs, assurément prêts pour mener une carrière de haut niveau, Polina Anikina, Dogukan Ozkan et Sabrina Sanza, cette dernière éblouissante d’aplomb et de pure beauté vocale dans un air de La cambiale di matrimonio. Les autres participants pourraient aussi aisément percer, Luzia Tietze, par exemple, sans oublier de mentionner Natalia Darkowska, Despina Krango, Biao Ma, Lana Maletic et Laura Coll. Pour ce répertoire, les jeunes chanteurs ne manquent donc pas.



Sébastien Foucart

 

 

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