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Dans les douceurs ouatées de l’immatériel fauréen

Paris
Maison de la radio et de la musique
06/13/2024 -  
Gabriel Fauré : Pelléas et Mélisande (Suite), opus 80 – Elégie en ut mineur, opus 24 – Ballade en fa dièse majeur, opus 19 – Fantaisie en sol majeur, opus 111 – Masques et Bergamasques (Suite), opus 112
Aurélienne Brauner (violoncelle), Lucas Debargue (piano)
Orchestre national de France, Marzena Diakun (direction)


M. Diakun (© Marco Borggreve)


En cette année célébrant le centième anniversaire de la mort de Gabriel Fauré, les musiciens de l’Orchestre national de France lui rendent un hommage pour le moins copieux, avec trois concerts très différents, à même d’évoquer toutes les facettes de l’un des compositeurs français les plus respectés en son temps. Le premier concert est dédié à sa musique symphonique, en grande partie méconnue, du fait de sa réputation de compositeur de salon, surtout en matière de mélodies et musique de chambre. Le présent concert est présenté en partenariat avec les équipes du Palazzetto Bru Zane, dans le cadre de son festival parisien annuel.


La soirée débute avec la Suite tirée de la musique de scène de Pelléas et Mélisande (1898), qui fut commandée à Fauré pour une représentation du drame à Londres. On y découvre l’une des partitions orchestrales les plus raffinées du maître, qui évite soigneusement toute virtuosité pour nous faire enivrer de mélodies fuyantes tour à tour enveloppantes et vaporeuses, annonçant parfois celles de Debussy. La cheffe polonaise Marzena Diakun (43 ans) a tendance à accentuer l’impression de mélancolie aérienne, sans donner d’identification nette aux changements d’atmosphère, volontiers éthérés dans cette interprétation.


Le tempérament plus affirmé d’Aurélienne Brauner (née en 1984) reste globalement dans cet esprit, en fouillant les détails de l’Elégie (1901), l’un des premiers succès de son auteur, dans sa version initiale pour violoncelle et piano (composée en 1880). L’accompagnement allégé, aux tempi étirés, apporte une évocation plus sombre qu’à l’accoutumée, en intégrant la violoncelliste dans le discours d’ensemble, lui niant presque sa vocation de soliste. Un même état d’esprit domine la Ballade (1881), dont s’empare Lucas Debargue avec une gourmandise évitant tout spectaculaire, lui qui vient d’enregistrer l’intégrale de la musique pour piano seul de Fauré, en quatre disques. La curiosité vient de l’utilisation inattendue d’un piano de trois mètres de long, disposant de 102 touches (au lieu des 88 habituelles) : de quoi permettre, selon le pianiste, d’exprimer toute la richesse harmonique de Fauré, grâce aux touches supplémentaires dans les aigus et les graves. On est surtout frappé par un mélange de sonorités sombres et mates, à l’éclat globalement moins brillant.


Après l’entracte, Lucas Debargue revient sur scène pour interpréter un autre ouvrage concertant, la Fantaisie (1919), d’un esprit plus franc et viril que précédemment. On retrouve là une influence rapsodique volontiers lisztienne, sans effets de manche, ni pathos, sous les doigts félins et aériens de Debargue. Pour le bis, évidemment toujours avec Fauré, le talentueux et imprévisible musicien s’adresse au public pour lui annoncer le choix d’une transcription personnelle de la mélodie Après un rêve. Hauteur de vue et magie de l’instant s’évaporent imperceptiblement pour ce bis qu’on aimerait voir durer plus longtemps encore.


La fin du concert fait découvrir un visage beaucoup plus enjoué et optimiste de Fauré, dans le style néoclassique alors en vogue à la fin de sa vie : la suite tirée de la musique de scène de Masques et Bergamasques (1919) évoque d’emblée Mozart par son ton allégé et bondissant, aux bois piquants, concluant ce tour d’horizon de l’un des maîtres les plus insaisissables de son temps.



Florent Coudeyrat

 

 

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