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Ambiance survoltée Paris Théâtre des Champs-Elysées 04/27/2024 - et 22 (Freiburg), 25 (Heilbronn), 27 (Reutlingen), 30 (Sigmaringen) mars, 3 (Göttingen), 5 (Hanau), 9 (Würzburg), 11 (Bad Neustadt), 13 (Frankfurt), 16 (Bamberg), 21 (Wien), 24 (München) avril, 1er (Berlin), 6 (Offenbach), 8 (Düsseldorf), 14 (Basel), 17 (Essen), 19 (Köln), 23 (Bremen) mai 2024 Wolfgang Amadeus Mozart : Sonates pour piano n° 8, K. 300d [310], et n° 11, K. 300i [331] – Fantaisie en ut mineur, K. 475, et Sonate pour piano n° 14, K. 457 Yundi Li (piano)
C’est dans un Théâtre des Champs-Elysées archicomble et une ambiance survoltée que le pianiste chinois Yundi Li a donné un récital entièrement consacré à Mozart comme l’est le programme de son dernier enregistrement qui fait l’objet d’une tournée majoritairement allemande de vingt concerts.
On n’avait pas vu le théâtre de l’avenue Montaigne plein à 99 % comme pour ce récital du pianiste Yundi Li (aujourd’hui Yundi tout court) avec un public probablement pour les trois quarts asiatique et très enthousiaste. Celui qui, après avoir remporté à 18 ans le premier prix du Concours Chopin à Varsovie en 2000 (le plus jeune nommé), est surnommé le « Prince du piano » a, outre un impressionnant fan club de compatriotes, une grande réputation parmi les amateurs de piano français et allemands. Ce concert, qui reprend l’exact programme de son premier disque dénommé en toute simplicité « The Sonata Project Salzburg », se situe au milieu d’une impressionnante tournée de vingt concerts en Allemagne et Autriche. Statut à la rock star, public à l’avenant avec son indiscipline : conversations, photographies et filmage du concert, déplacements, consommations dans la salle, applaudissements entre chaque mouvement ; il faut pouvoir absorber une telle ambiance...
Yundi Li, aujourd’hui âgé de 41 ans, reparaît donc dans le paysage après une sévère disgrâce dans son pays en 2021, qui serait due à la fréquentation d’une prostituée et un changement de maison de disques (passage un peu abrupt de Deutsche Grammophon à Warner pour lequel on murmure que celui de Lang Lang de Sony à l’éditeur à l’étiquette jaune ne serait pas étranger à son éviction...).
Voilà pour la forme! Pour le fond, il est évident que Yundi Li est un grand artiste et qu’aborder l’intégrale des Sonates de Mozart est un projet d’importance. La soirée parisienne était d’une qualité constante mais d’une réalisation assez inégale d’une sonate à l’autre. Etait‑ce dû à la pression, à la déconcentration dans les circonstances déjà énoncées, à un manque d’affinité avec un style qui a déjà dans l’histoire échappé à de nombreux pianistes ?
La première sonate du programme , la célèbre « alla turca », fut sans conteste la plus sobrement jouée, avec une certaine grâce, un bel équilibre dans les variations une volonté romantique et une magnifique sonorité qui ont été les constantes du récital. Pas d’excentricités dans la fameuse « Marche turque », quasiment un modèle. Est-ce en raison de la volonté évidente de dramatiser son premier mouvement (Allegro maestoso), d’y mettre trop de pédale et de souligner comme des intentions de simples motifs purement décoratifs ? Le pianiste a un peu perdu le contrôle des tempi, souvent changés et beaucoup trop rapides. Le reste de cette Huitième Sonate s’en est ressenti d’un bout à l’autre.
Après un entracte semblant interminable, la Fantaisie en ut mineur a bien failli commencer sur le même mode de l’incertitude du tempo dans les accords de l’Adagio initial mais s’est achevée dans un bel équilibre. La dernière sonate du programme, jumelle de la Fantaisie précédente, a été de loin la meilleure du concert, dans la continuité du récit dramatique, avec un deuxième mouvement élégiaque et un final étincelant.
Enormément acclamé, le pianiste s’est prêté au jeu des bis avec une composition chinoise jouée avec beaucoup de charme et un magnifique Deuxième Nocturne de l’Opus 9 de Chopin (très réclamé par un public survolté) avant de récolter ce qu’il pouvait embrasser d’une impressionnante moisson de fleurs.
Olivier Brunel
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