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Un festival de couleurs

Normandie
Deauville (Salle Elie de Brignac‑Arqana)
04/20/2024 -  
Igor Stravinsky : Divertimento pour violon et piano
Béla Bartók : Contrastes, Sz. 111
Claude Debussy : Petite suite [*]
Maurice Ravel : Trio avec piano en la mineur

Joë Christophe (clarinette), Mi-Sa Yang (violon), Stéphanie Huang (violoncelle), Adam Laloum, Arthur Hinnewinkel [*] (piano)


M.-S. Yang, A. Laloum, J. Christophe (© Stéphane Guy)


Le septième et avant-dernier concert du vingt‑huitième festival de Pâques de musique de chambre de Deauville était consacré aux « modernes », en premier lieu aux deux monstres Stravinsky et Bartók, souvent comparés, et en second lieu aux deux Français Debussy et Ravel, autres compositeurs souvent rapprochés.


On avait tout d’abord plaisir à retrouver Mi-Sa Yang et Adam Laloum, deux fidèles du festival depuis plusieurs années, dans une œuvre qu’ils viennent d’enregistrer (voir ici) : le Divertimento (1932) d’Igor Stravinsky (1882‑1971), arrangé pour violon et piano avec Samuel Dushkin. On apprécie le legato et l’engagement de la violoniste comme son sens de l’adaptation à des climats sonores changeants quoique souvent tournés vers la fête populaire et parfois un brin sarcastiques. Elle fait preuve d’espièglerie dans les pages de danse, parfois d’âpreté dans les passages les plus rythmés et de grâce dans ce qui ressemble à de charmantes berceuses. Le pianiste est tout aussi impeccable. Sa précision est confondante. Le public ne manque pas d’applaudir vivement le duo. Ces deux‑là s’entendent à merveille.


Ils embrayent assez vite sur les Contrastes (1938) de Béla Bartók (1881-1945), une des rares œuvres dont on dispose d’une interprétation enregistrée par le compositeur lui‑même accompagné par le commanditaire Joseph Szigeti et l’autre dédicataire, le clarinettiste de jazz Benny Goodman. Joë Christophe (né en 1994) les rejoint pour l’occasion. Là encore, on a droit à des climats très changeants, entre jazz, musique tzigane et danses populaires, et les artistes savent passer avec brio de l’un à l’autre avec naturel. Le clarinettiste domine les pirouettes techniques qu’on lui impose, échange sans problème en cours de route ses clarinettes en la et en si bémol et impressionne tant dans les forte que dans les pianissimo. Sa clarinette n’est jamais acide et n’hurle pas. Du grand art. Les autres musiciens sont au même niveau quoique un peu plus en retrait même si le violon a comme la clarinette son moment soliste, commande oblige. Après un mouvement central empreint de mystère et de nostalgie et abordé avec grand soin, le trio enlève un final échevelé au point de nous convaincre définitivement qu’on a là du très haut niveau. Adam Laloum ne nous avait pas habitué à fréquenter ces répertoires ; on le connaissait dans Schubert, Schumann et Brahms. Il démontre ce soir une belle et heureuse polyvalence.


Après la pause, Arthur Hinnewinkel (né en 2000), déjà repéré pour ses immenses talents lors des dernières éditions du festival, se place en effet à sa droite pour le quatre mains de la Petite Suite (1888) de Claude Debussy (1862‑1918), dont on connaît sans doute plus la version orchestrée par Henri Büsser. La première page, « En bateau », sans être chlorotique, est un peu alanguie, mais le « Cortège » qui suit est plein de fraîcheur. Le « Menuet » est aussi raffiné que possible. Le « Ballet » final n’est pas aussi dansant qu’on souhaiterait mais les choses s’animent finalement de la meilleure façon qui soit. Encore un beau duo associant un ancien et un jeune comme Laloum l’a été en son temps à Deauville.



A. Laloum, M.-S. Yang, S. Huang (© Stéphane Guy)


Et le concert se poursuit par le Trio (1914) de Maurice Ravel (1875‑1937), achevé avant que n’éclate la Grande Guerre. La violoniste est un peu moins précise mais on apprécie éminemment son « grain », sa personnalité et à nouveau son engagement. Le pianiste survole quant à lui les touches de son clavier mais laisse passer comme un sombre pressentiment. Il y a chez décidément chez Adam Laloum une profondeur peu commune, un tact ou une pudeur assez rare et une musicalité exceptionnelle. Enfin, la violoncelliste belge Stéphanie Huang (née en 1996), bien remarquée l’an dernier dans ces colonnes, délivre pour sa part un discours passionné mais jamais exagéré et toujours d’une grande tenue. Elle n’a rien à envier à ses camarades. L’interprétation est magnifique de bout en bout et honore ce chef‑d’œuvre absolu.


A l’issue, tous les artistes de cette formidable soirée viennent saluer un public qui leur réserve des ovations les plus méritées. A la sortie, on n’entend que des éloges.



Stéphane Guy

 

 

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