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Philharmonie
03/23/2024 -  
Antonín Dvorák : Concerto pour piano, opus 33, B. 63 – Symphonie n° 9 « Z nového světa », opus 95, B. 178
Bertrand Chamayou (piano)
Ceská filharmonie, Semyon Bychkov (direction)


B. Chamayou (© Marco Borggreve)


Le second concert de l’Orchestre philharmonique tchèque dirigé par son chef titulaire depuis 2018 (et au moins jusqu’en 2028), le Russe naturalisé américain Semyon Bychkov, ancien directeur musical de l’Orchestre de Paris (1989‑1998), était entièrement consacré à Antonín Dvorák. Au programme, le rare Concerto pour piano, avec le plus en vue des pianistes français, Bertrand Chamayou, et la célèbre et ultime symphonie, dite « Du nouveau monde ».


Le Concerto pour piano de Dvorák n’encombre pas les salles de concert, sans doute en partie parce que le compositeur tchèque avait la réputation de mieux connaître les instruments à cordes. Il existe tout de même une gravure mythique par deux des plus grands interprètes du XXe siècle, Sviatoslav Richter et Carlos Kleiber... C’est donc le signe que cette œuvre doit bien posséder des qualités. Et en effet elles apparaissent avec un grand naturel ce soir grâce à des interprètes au service de cette musique raffinée et jouée ici avec beaucoup d’élégance. Bertrand Chamayou, comme à son habitude, fait fi des difficultés techniques. Formé des trois mouvements traditionnels du concerto classique (allegro, andante, allegro), il est dominé par le long premier mouvement à la belle introduction, durant laquelle certaines des qualités de l’orchestre tchèque sont particulièrement mises en valeur, notamment la beauté du son, un incroyable legato des cordes (les violoncelles sont à se pâmer), la franchise des attaques et une belle fusion des timbres des vents, sans doute une des signatures de cet orchestre. L’Andante sostenuto permet au cor solo et à la petite harmonie de briller et au soliste de nous charmer par son toucher élégant au service d’une écriture finalement pas si loin de Chopin. Le final, dans une veine folklorique, est emmené avec énergie et sobriété par Bertrand Chamayou, Semyon Bychkov et son orchestre. En bis et en un vibrant hommage à Maurizio Pollini décédé dans la journée, Bertrand Chamayou offre à un public recueilli un « Bonne nuit » de Janácek en apesanteur.


En seconde partie, la Neuvième Symphonie est un bonheur de chaque seconde. Semyon Bychkov a abandonné la partition et tel un pantin un peu désarticulé il agite fébrilement sa main droite en des inflexions paraissant floues depuis la salle mais d’une grande efficacité. Là encore on ne sait quoi admirer le plus : le son d’ensemble, somptueux, l’élégance constante, sans rien d’artificiel ou de surchargé, la précision d’ensemble chirurgicale, les tempi parfaits sans alanguissement excessif dans le deuxième mouvement ou les enchaînements miraculeux. Le premier mouvement révèle dès son introduction toute sa magie avant de céder place à des cuivres précis et jamais braillards. Tout ensuite chante magnifiquement permettant de tout entendre jusqu’à l’apothéose finale. Notre seule minime réserve concerne le solo de cor anglais du Largo, que l’on aurait aimé plus caractérisé, avec par exemple une reprise du thème vraiment pianissimo lors de la réexposition. Mais ce n’est que détail tant cette interprétation travaillée dans ses moindres recoins est à la fois aboutie, vivante et élégante. Le troisième mouvement emporte tout sur sa lancée et l’accord final coupé à la serpe impressionne. Même chose pour un final durant lequel Semyon Bychkov relance le discours à chaque instant jusqu’à l’accord final et son étonnant decrescendo. Au total donc, une superbe Symphonie « Du nouveau monde », puissante, sobre et élégante mais dans laquelle manquait peut‑être un petit grain de folie pour faire de ce concert un moment inoubliable.


Deux Danses slaves de Dvorák (Opus 72 n° 2 et Opus 46 n° 1) viennent compléter ce programme et le finir dans la joie. Pour ces deux bis, Semyon Bychkov abandonne cette fois sa baguette et l’osmose entre le chef et son orchestre est sans doute encore plus flagrante.


Un magnifique concert donc par un orchestre et un chef qui ont atteint un très haut niveau de complicité. La beauté sonore de cet ensemble et sa perfection d’exécution, sous la direction sobre et efficace d’un Semyon Bychkov désormais au sommet de son art, servent au mieux cette magnifique musique. Le retour de cette même équipe gagnante est désormais déjà annoncé pour mars 2025 autour d’un premier concert consacré à Chostakovitch et d’un second programme associant Mozart et Mahler. Ces deux concerts seront sans aucun doute à ne pas rater.


Le site de Bertrand Chamayou



Gilles Lesur

 

 

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