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Brahms à Budapest

Baden-Baden
Festspielhaus
02/18/2024 -  et 13 (Wien), 16 (Genève) février 2024
Johannes Brahms : Danses hongroises, WoO 1 : 10. Presto & 7. Allegretto (orchestration Iván Fischer) – Concerto pour piano n° 2, opus 83 – Symphonie n° 2, opus 73
Vadym Kholodenko (piano)
Budapesti Fesztiválzenekar, Iván Fischer (direction)


I. Fischer (© Andrea Kremper)


Gala annuel des amis et mécènes du Festspielhaus de Baden-Baden, ce concert est dédié à l’un des plus fidèles et prestigieux d’entre eux, l’homme politique allemand Wolfgang Schäuble, décédé le 26 décembre dernier. Un grand amateur de concerts classiques, que l’on pouvait croiser de temps à autre à Baden‑Baden, où ni sa petite escorte de gardes du corps, ni surtout son fauteuil roulant (il avait été victime d’un attentat en 1990), ne passaient inaperçus. Bref discours d’hommage au début de la soirée, puis Iván Fischer lui‑même prononce quelques phrases, se souvenant notamment des fréquentes visites que Wolfgang Schäuble lui rendait à la fin de ses concerts, à Berlin. Et enfin, tout l’Orchestre du Festival de Budapest se lève... et se transforme en chorale ! Iván Fischer et ses musiciens aiment bien nous réserver ce genre de surprise, mais cette fois l’insolite de la situation, en chantant « Liebe Schwalbe, kleine Schwalbe » de Brahms, se teinte d’une émotion particulière.


Concert de tournée, entièrement consacré à Brahms, avec en guise de fil rouge un total de trois Danses hongroises, carte de visite quasiment obligée pour un orchestre dont le siège se trouve à Budapest. La Dixième, orchestrée par Brahms, ouvre le concert, la Septième, dans une orchestration d’Iván Fischer, est jouée après l’entracte, et la Vingt‑et‑unième, orchestrée par Dvorák, est donnée en bis. A chaque fois l’effectif orchestral peut paraître trop généreux pour ces pièces, survolées néanmoins avec une énergie irrésistible, voire, pour la première, avec de nombreuses imprécisions, comme si les musiciens n’étaient pas encore tout à fait à leur affaire en ce début de concert. Quant au bis, il marque surtout parce qu’Iván Fischer le dirige de sa seule main droite, sa main gauche restant occupée à brandir le gros bouquet qu’on vient de lui remettre lors des applaudissements, et qu’il n’a pas pris le temps de poser !


Yefim Bronfman devait interpréter le Second Concerto, mais, malade, il est remplacé pour toute la tournée par le pianiste ukrainien Vadym Kholodenko, qui nous propose une interprétation très différente que celle, bien connue, toute en puissance et en carrures, que n’aurait pas manqué de nous donner le pianiste israélo-américain. Là on est confrontés à autre chose, une succession de traits fantasques, un peu décousus, comme si le soliste découvrait lui‑même la partition, au fil des pages. Aucune insouciance technique cependant, car tout est impeccable, mais avec quand même une impression bizarre de créativité tous azimuts, qui parfois sonne très juste, et parfois déconcerte. En tout cas, on connaît assez bien Iván Fischer pour deviner qu’il se délecte certainement d’un dialogue lui ouvrant des perspectives aussi originales, auxquelles il ne manque pas, lui‑même, de répondre par d’autres propositions, non moins insolites. Donc un Brahms très coloré, bourré de petites surprises et d’arêtes vives, aussi passionnant que, parfois, relativement perturbant. On adhère ou on reste réticent, mais assurément on écoute un pianiste de haute volée, qui maîtrise le texte avec une telle facilité technique qu’il peut, de facto, le modeler exactement comme il souhaite nous le faire entendre.


Une exactitude que l’on retrouve dans son bis, mais à une échelle délibérément miniature, puisqu’il s’agit de la toute petite Troisième des Bagatelles opus 33 de Beethoven, transformée en une véritable étude de piqué et de détaché, mélange inédit de précision digitale maniaque et de respirations très libres. Là encore, un moment étonnant.


On pouvait s’attendre ensuite, quand même, à une Deuxième Symphonie un peu plus sage, mais en fait pas vraiment. Car quand Iván Fischer a décidé qu’il faut continuer à expérimenter, et bien, il ne se gêne pas pour le faire, et comme il a à sa disposition un orchestre de virtuoses, eux aussi toujours en éveil, voire créatifs, là non plus on ne risque pas de s’ennuyer. L’Orchestre du Festival de Budapest ne brille certes pas par sa cohésion des grands soirs, et parfois on s’éloigne même du concert classique pour lorgner vers un rien de folklore de taverne, mais tout ce qu’on entend interpelle, questionne, surprend. Là encore la partition de Brahms s’en trouve comme rajeunie, revitalisée, même si on peut penser qu’une telle interprétation en réduit aussi l’universalité, au profit de sensations plus épidermiques. Significativement, c’est dans le dernier mouvement, là où Brahms se rapproche le plus de la musique de son ami Dvorák, que cette interprétation, très stimulante et vivante, fonctionne le mieux.



Laurent Barthel

 

 

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