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Piotr Anderszewski, l’explorateur des modernités

Paris
Philharmonie
02/26/2024 -  
Johann Sebastian Bach : Partitas pour clavier n° 1, BWV 825, et n° 6, BWV 830
Frédéric Chopin : Mazurkas, opus 59
Karol Szymanowski : Mazurkas, opus 50 n°s 3, 4, 5, 7 & 8
Béla Bartók : 14 Bagatelles, Sz. 38, opus 6

Piotr Anderszewski (piano)


P. Anderszewski (© Simon Fowler)


Un programme exigeant, comme il les aime. Piotr Anderszewski n’est pas l’homme des concessions, encore moins celui des paillettes. Cela ne l’empêche pas de conquérir le public : en témoigne le triomphe mérité qu’il vient de remporter à la Philharmonie.
Deux Partitas de Bach enserrent trois Mazurkas de Chopin, cinq de Szymanowski et les Bagatelles de Bartók. Autant de partitions qui s’enchaînent presque naturellement. On ne s’en étonnera pas : les Partitas sont des suites de danses, que Bach réinvente comme les deux Polonais réinventeront la mazurka, il y a aussi des danses parmi les Bagatelles, dont la dernière est une Valse. Et puis les cinq compositeurs n’incarnent‑ils pas, chacun à sa façon, une forme de modernité, un goût de l’expérimentation, une porte ouverte sur l’avenir ?


La Sixième Partita révèle un Bach très contrasté, tendu, voire inquiet, jusque dans l’Air : la rigueur de la pensée, la fidélité au texte n’excluent jamais l’expression, l’extrême concentration du jeu, qui semble interdire tout écart, ne bride pas l’imagination – les reprises ne suscitent jamais l’ennui. Si l’on n’entend pas ici le somptueuses couleurs d’un Krystian Zimerman, la gamme des nuances est infinie, tant le son se creuse jusque dans les plus intimes résonances du clavier. Grâce notamment à la main gauche, la polyphonie émerge toujours, notamment dans la Gigue fuguée, exempte de tout didactisme.


Le Polonais a finalement une vision intimiste de Bach. Telle est aussi sa lecture des Trois Mazurkas opus 59 de Chopin, qu’il arrache au pittoresque du folklore – préservé jadis par un Arthur Rubinstein. Il en fait une sorte de journal, succession d’états d’âme au-delà de l’inspiration populaire, sans émousser pour autant la verve rythmique du Vivace de la troisième.


Dans les cinq Mazurkas extraites de l’Opus 50 de Szymanowski, il persiste et signe, les concevant un peu comme des Fantasiestücke, où s’expérimente un langage renouvelé par les emprunts à la musique des monts Tatras. La troisième relève de la rêverie méditative, l’oberek de la septième s’épure jusqu’à friser parfois le murmure, la quatrième, avec ses effets percussifs, cède à l’ivresse rythmique, mais sans en perdre le contrôle. Les Mazurkas regorgent de nuances, dynamiques, agogiques, expressives : le pianiste les respecte toutes, restituant la mobilité de la musique de Szymanowski.


On peut en dire autant des Quatorze Bagatelles de Bartók, ces instantanés capricieux où quelques minutes doivent créer un monde. La maîtrise de la partition et du clavier est prodigieuse, l’art de la suggestion aussi, qu’il s’agisse du halo debussyste de la troisième, du choral de la quatrième, de la danse endiablée de la cinquième, du Lento dépouillé de la sixième, du Rubato mélancolique de la douzième, des grincements de la quatorzième. Avec des effets de cloches pour le Menuet, la Première Partita de Bach remonte aux sources, hommage à la figure tutélaire révérée par les deux Polonais et le Hongrois. A la fin du récital se révèle toute la cohérence du programme.


Quatre bis couronnent la soirée : en écho à Bartók, les trois premières des Bagatelles opus 126 de Beethoven, le Prélude en fa mineur du Second Livre du Clavier bien tempéré de Bach. La boucle est bouclée.


On écoutera maintenant le dernier disque de Piotr Andereszwski, où des mazurkas de Szymanowski et les Bagatelles de Bartók côtoient la seconde série de Sur un sentier recouvert de Janácek.



Didier van Moere

 

 

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